Page 85 - Une lumière sur mon chemin - Louis Even
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12. Le prix de la grande folie     83

            Cela devrait vous faire comprendre, monsieur, que d’une part,
        les travaux peuvent être exécutés à Montréal, à Tadoussac, à Ste
        Rose du Dégelis, ou n’importe où dans la province. Que matériaux
        et produits de consommation peuvent sortir de fermes de l’Estrie,
        de forêts de la Gatineau, d’usines de la Mauricie, ou de n’importe
        où dans la province. Que par conséquent c’est toute la population
        laborieuse de la province qui contribue directement ou indirecte-
        ment au progrès se réalisant n’importe où dans la province. Et que,
        d’autre part, c’est toute la population de la province, où qu’elle vive,
        qui se trouve endettée pour le progrès accompli.
                 Dettes municipales, scolaires et autres

            D’un côté, la somme des activités et des réalisations. De l’autre
        côté, la somme des dettes municipales, scolaires, provinciales et
        autres. Qui donc produit le progrès ? La population. Ce qu’elle ne fait
        pas elle-même, ce qu’elle doit obtenir de l’étranger, elle le compense
        par ses propres surplus de produits qu’elle envoie à l’étranger.
            Or qui, d’après le journaliste de La Presse et toutes les autres
        têtes pensantes du système, qui doit payer ce progrès une fois qu’il
        est accompli ? La population qui l’a elle-même accompli. Le payer
        à qui ? À des trafiquants de dollars qui peuvent être à Montréal, à
        Toronto, à Cleveland, à New York, à Londres, à Paris ou ailleurs.

            Ne trouvez-vous pas, cher monsieur Champoux, que cela res-
        semble à un détraquement de l’esprit? Et cette pratique insensée,
        bien établie dans la province de Québec, l’est également dans tout
        le Canada. Également aussi dans tous les pays qui se piquent de
        civilisation avancée.
            Vous avez  intitulé  votre  article  du  21 janvier:  «Le  prix  de  la
        grande vie». Ne pensez-vous pas qu’il eût été plus juste d’écrire:
        «Le prix de la grande folie» ? Vous trouveriez certainement fou de
        vouloir faire un boulanger payer le pain qui sort de son propre four,
        de vouloir obliger le cultivateur à payer le blé qu’il a lui-même récol-
        té dans son champ. Autrement fou, folie dépassant toute mesure,
        de faire toute la population payer des développements qu’elle a
        elle-même réalisés!
            Mais, objecterait sans doute le journaliste et des bonzes de tou-
        tes dénominations avec lui: ‘Il a fallu de l’argent pour financer ces
        développements. De l’argent que les municipalités n’avaient pas.
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