Page 83 - Une lumière sur mon chemin - Louis Even
P. 83
12. Le prix de la grande folie 81
par ses producteurs, mais au gré d’hommes ou d’institutions qui
en ont le contrôle.
Mais que ce même pays tombe dans les affres d’une guerre
qui l’oblige à consacrer une bonne partie de ses capacités produc-
tives à fournir des engins de destruction et la fleur de ses hommes
valides, à tuer ou à être tués, son gouvernement cesse immédia-
tement d’admettre des restrictions de crédit. Il refuse de s’arrêter
pour manque d’argent. Il ne pense plus qu’en termes de réel, en
termes de bras et de matériaux. Comme le disait Roosevelt, il ne
permet plus d’être entravé par le «non-sens financier».
La guerre finie, ce pays reviendra hélas à régler sa vie économi-
que en fonction de l’argent. En fonction d’un signe conventionnel
qui n’est ni nourriture, ni vêtement, ni logement, ni santé, ni ins-
truction. Ce gouvernement, son élite diplômée, ses dirigeants de
tous étages, raisonneront, jugeront, recommanderont ou impose-
ront des décisions sans rapport avec le réel. Folie et fous de grande
classe. Ce qui a fait dire à Jacques Dubois, fondateur du Mouve-
ment Français pour l’Abondance: «Nous vivons dans un monde de
fous dirigé par les plus remarquables d’entre eux».
Un exemple
Ces fous, remarquables ou qui croient l’être, on les trouve dans
les cabinets de ministres, dans les parlements, sur les tribunes pu-
bliques, dans les colonnes des journaux, dans les studios de radio,
sur les écrans de télévision, dans les chaires d’économie de nos
universités.
En page éditoriale du journal La Presse du 20 janvier, Roger
Champoux, commentant la menace d’une hausse de taxes pour
les Montréalais, s’imagine très bien raisonner en disant et répé-
tant que «le progrès doit se payer». «Montréal a progressé, l’heure
est venue de payer» conclut le journaliste de la Presse. Il insiste:
«Quand bien même on déciderait d’arrêter tout progrès désormais,
le progrès acquis doit être payé». Le progrès déjà fait, déjà réalisé,
doit être payé mais «reste à savoir comment» ajoute-t-il.
Pauvre Roger Champoux, au lieu de vous demander comment
payer le progrès réalisé, vous feriez bien mieux de réfléchir un peu,
en termes de réel, pour vous demander qui a réalisé ce progrès ?
Puis, à qui peut-il être question de le payer ? On va vous aider un
peu dans ce raisonnement en termes de réel, auquel vous n’êtes
sans doute pas habitué.