Page 57 - Une lumière sur mon chemin - Louis Even
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7. L’automation       55

                              Graduellement
            C’est  qu’en  effet,  la  propagande  incessante  des  créditistes,
        avec ses arguments irréfutables, confirmés par le passage subito
        d’une économie sans argent pour les œuvres de paix à une écono-
        mie d’abondance d’argent pour les œuvres de guerre, faisait sauter
        tout le mystère qui avait entouré la question de l’argent et du cré-
        dit. Impossible de le cacher désormais: l’argent, le crédit financier,
        sont simple affaire de décision par des hommes ou des institutions
        possédant le pouvoir de décider.  Le public ne subirait plus les déci-
        sions qui, sans justification aucune, faisaient souffrir toute la com-
        munauté.
            Et, dès 1944, le gouvernement canadien adoptait une législa-
        tion pour des allocations familiales. Maigres sans doute et comme
        à regret, mais ce fut un commencement.  D’autres mesures allaient
        suivre qui distribueraient de l’argent dissocié de l’emploi.  L’assu-
        rance-chômage, par exemple, verse des prestations à l’ouvrier qui
        entre en chômage, ce qui est exactement le contraire de l’emploi.
        Les pensions de vieillesse ont commencé par exiger que la person-
        ne pensionnée cesse tout emploi lucratif.  L’aide aux mères néces-
        siteuses est conditionnée non pas par l’emploi de la mère, mais par
        ses besoins.  Et personne n’ose plus dire que c’est immoral.
                         Argent fidèle aux réalités

            Combien plus resplendissant serait ce progrès social, combien
        plus généreusement assuré le pain quotidien à tous, si la législa-
        tion sociale s’inspirait de l’optique créditiste, si elle considérait les
        possibilités, non pas d’abord en termes d’argent mais en termes de
        produits et de services offerts, ajustant l’expression monétaire qui
        ne doit être qu’un fidèle reflet des réalités.  Les allocations familia-
        les, par exemple, pourraient facilement être triplées sans pour cela
        épuiser la capacité de production de lait, de pain, de vêtements,
        de chaussures, et sans que l’assiette ou le garde-robe de personne
        n’aient à en souffrir.  Mais combien d’instruits trouvent encore cela
        incompréhensible!
            Cependant, attribuant la crise d’avant-guerre au chômage gé-
        néralisé alors que ce chômage n’était nullement une cause mais un
        effet de la restriction du crédit, tous les gouvernements des pays
        évolués, tous les partis politiques ont inscrit dans leur program-
        me la poursuite  d’une  politique  de plein-emploi,  d’embauchage
        intégral. Politique pourtant irréalisable: elle se heurte à la poussée
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