Page 163 - Une lumière sur mon chemin - Louis Even
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26. Objections au Crédit Social 161
avoir l’œil sur l’horloge comme l’embauché d’usine à 100, 200 dol-
lars ou plus par semaine. Et quand bien même, notre homme libre
ne donnerait son temps qu’à la culture de son esprit, à l’art ou à la
contemplation, est-ce cela de la paresse ? Nos Pèlerins plein-temps
de saint Michel ne sont pas embauchés, ils ne retirent pas un sou
de salaire mais ils ne sont point du tout paresseux. Ils ne le sont
ni quand ils prient ni quand ils visitent les familles. Et ils sont bien
plus utiles à leur pays que s’ils travaillaient à produire des choses
matérielles dont le pays ne manque pas. Nos pays évolués ont bien
plus besoin de vérité et d’exemples de bonne vie que de beurre, de
viande ou de carottes.
Pourquoi des critiques s’obstinent-ils à dire: «Le dividende, l’ar-
gent sans emploi va faire des paresseux »? Qu’est-ce qui les empê-
cherait de dire aussi bien: «Avec un dividende à tous, ceux qui vou-
dront se contenter de ce peu pour vivre, vont faire des artistes, des
priants, des apôtres, des détachés de l’accessoire, des sages qui
sauront mettre un plafond à leurs besoins terrestres et comprendre
la parole du Maître: «Pourquoi vous tracasser du lendemain?».
C’est bien beau, répliquera-t-on, mais regardez donc ce que font
les hommes de leurs loisirs actuels. Justement, ils font ce que toute
la propagande, la publicité du système financier les pousse à faire
dans ce sens. On bourre les hommes de matérialisme, de course à
l’argent, de folies, de carnavals et d’autres choses bien plus basses
que je ne mentionnerai pas ici. Peut-on après cela s’étonner que les
énervés de la production industrielle à outrance s’évadent quand ils
en ont la chance dans tous ces divertissements patentés, collectivi-
sés, commercialisés? Ils passent du matérialisme de l’embauchage
au matérialisme des loisirs organisés.
Tout pousse dans ce sens. Ça commence dans la vie scolaire.
Ça continue dans la vie de l’usine. Plus de cesse ni de frein. La
religion elle-même en souffre. Aujourd’hui, alors que la semaine
d’embauchage finit dès le vendredi soir, le dimanche au lieu d’y
gagner, en perd. En moins d’une génération, on a vu disparaître les
Vêpres, les Saluts du Saint-Sacrement, les processions, le chapelet
en paroisse à l’église. Les messes sont raccourcies. Et on crie déjà
bien fort pour faire supprimer l’obligation de l’assistance à la messe
le dimanche.
Au lieu de réagir, les pasteurs capitulent et s’inclinent. «Il faut
muter avec le monde en mutation», disent-ils. Muter, muter vers la
décadence.