Page 174 - Sous le Signe de l'Abondance
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Chapitre 3

                       Revenu intégral au lieu
                       d’embauchage intégral


            (Article de Louis Even, paru dans Vers Demain du 1  septem-
                                                            er
        bre 1960.)
                   Perversions des fins et des moyens
            Parler d’embauchage intégral, de plein emploi, est en contradic-
        tion avec la poursuite du progrès dans les techniques et procédés
        de production. On n’introduit pas une machine perfectionnée, on
        n’exploite pas une nouvelle source d’énergie pour atteler l’homme
        à la production, mais bien plutôt pour le libérer.
            Mais on a perdu le sens des fins et des moyens. On prend des
        moyens pour des fins. C’est une perversion qui contamine toute
        la  vie  économique  et  empêche  l’homme  de  bénéficier  des  fruits
        logiques du progrès.
            L’industrie  n’existe  pas  pour  donner  de  l’emploi,  mais  pour
        fournir des produits. Si elle fournit les produits, elle accomplit son
        rôle. Et plus elle accomplit son rôle en requérant moins de temps,
        moins de bras moins de labeur, plus elle est parfaite.
                                M.  Laflamme  procure  à  sa  femme  une
                            machine à laver automatique. Le lavage heb-
                            domadaire ne prend plus qu’un quart de jour-
                            née au lieu d’une journée entière. Et quand
                            madame a placé le linge dans le moulin, le sa-
                            von dans le compartiment à cette fin, et qu’el-
                            le a ouvert les deux robinets, l’amenée d’eau
                            chaude et celle d’eau froide, elle n’a plus qu’à
                            laisser faire: la machine passera d’elle-même
                            du trempage au lavage, du lavage au rinçage,
        du rinçage à l’essorage, pour s’arrêter automatiquement lorsque le
        ligne sera prêt à retirer du baquet.
            Est-ce que madame va se désoler parce qu’elle a du temps à
        elle pour en disposer à son gré? Ou bien, son mari va-t-il lui cher-
        cher d’autre ouvrage pour remplacer celui dont elle est libérée?
        Non, n’est-ce pas? Ni l’un ni l’autre ne peut être sot à ce point.
            Si la sottise règne dans l’organisme social et économique jus-
        qu’à faire le progrès punir l’homme qu’il devrait soulager, c’est par-
        ce que l’on s’obstine à lier le pouvoir d’achat, la distribution d’ar-
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