Page 169 - Sous le Signe de l'Abondance
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Question ouvrière, problème d’argent  169

            Pour le patron, c’est un avantage. Pour l’ouvrier, c’est une ter-
        reur. Pourquoi? Puisque la machine fournit le produit, en dispensant
        du travail de l’homme, et puisque le produit est fait pour l’homme,
        l’homme devrait avoir le produit autrement que par son salaire — au
        moins dans la proportion où le produit vient sans son travail.
            Nouveau problème pour l’ouvrier, que son déplacement par la
        machine. Problème qui ne sera jamais réglé par des échelles de
        salaires, puisque le salarié est supprimé par la mécanisation.
                   Des chefs qui baisent leure chaînes
            Que font les experts des questions ouvrières pour porter aux
        familles la production de plus en plus abondante dissociée du la-
        beur humain, donc dissociée du salaire?
            Des unions ouvrières neutres, depuis 75 ans; des syndicats ca-
        tholiques chez nous, depuis trente ans, s’organisent et luttent. Pour-
        quoi? Est-ce que leurs activités ne se ratatinent pas sur les moyens
        d’obtenir une plus grosse part du signe rare, une plus grosse part
        des piastres en quantité artificiellement limitée? Quand ont-ils son-
        gé à demander d’abord un total de piastres réglé par le total de la
        production, manuelle ou mécanique?
            N’a-t-on pas fréquemment vu, au contraire, les autorités de ces
        unions et syndicats éliminer attentivement, ou interdire formelle-
        ment, toute discussion sur ce sujet?
            L’argent est rare, ils en conviennent. Le patron est, comme eux,
        esclave de la rareté d’argent, ils doivent bien en convenir encore.
        Mais ils acceptent cet esclavage et déploient leurs qualités militan-
        tes dans la lutte entre esclaves. Ils admettent la rareté artificielle et
        se disputent les rations.
            Demander la libération de l’abondance, ce serait donner dans
        le Crédit Social, ce serait faire de la politique!
            Accepter le système abaurde d’argent rare en face d’une pro-
        duction abondante, ce n’est pas faire de la politique; mais deman-
        der un système plus exact et plus social, c’est faire de la politique.
        Ramper, ce n’est pas faire de la politique; mais se redresser devant
        un désordre effarant, c’est faire de la politique. S’en prendre à des
        frères qui souffrent également de la rareté d’argent, ce n’est pas
        faire de la politique; mais attaquer le système du banquier qui crée
        sans raison cette rareté d’argent, c’est faire de la politique.
            Le maître de l’argent ne trouve-t-il pas de fameux protecteurs, chez
        ceux mêmes qui semblent s’apitoyer sur le sort de ses victimes?
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