Page 166 - Sous le Signe de l'Abondance
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166   Chapitre 35

                            Le salaire et les prix
            La vie du patron exige déjà un profit. La fécondité de l’argent
        exige encore plus préremptoirement des profits.
            Pour avoir des profits, la première condition de l’industrie est
        de vendre ses produits. Pour vendre, il faut offrir ses produits à
        un prix qui puisse soutenir la concurrence des autres producteurs.
        L’ouvrier peut l’oublier, le patron doit s’en souvenir constamment
        ou il se le fait violemment rappeler par la menace de la ruine.
            Or, si le patron augmente le salaire de ses ouvriers, il doit nécessai-
        rement augmenter le prix de vente de ses produits — sinon sa compta-
        bilité se soldera à l’encre rouge et il devra envisager une liquidation.
            Et  si  le  patron  augmente  ses  prix  de  vente,  pour  couvrir  les
        augmentations de salaires, pourra-t-il vendre en face de la concur-
        rence? Et s’il ne vend pas ou s’il vend moins, c’est la diminution de
        son personnel, en attendant la solde à l’encre rouge et la fermeture
        totale de ses ateliers, plaçant à la fois employeurs et employés en
        face d’une huche vide ou aux crochets des voisins ou des adminis-
        trations publiques.
            Sans  doute  que  les  ouvriers  de  toute  une  industrie  peuvent
        s’unir pour réclamer une augmentation de salaires; sans doute que
        les patrons de toute cette industrie peuvent s’entendre, convenir
        d’une augmentation générale des salaires et d’une augmentation
        parallèle des prix de vente dans toute cette industrie. L’obstacle de
        la concurrence disparaît par ce cartel.
            Mais quel sera le résultat? Qui soldera l’augmentation des prix
        de vente, sinon le consommateur — le consommateur qui devra ou
        se priver des articles majorés, ou les payer au prix majoré et se priver
        sur d’autres articles? Dans l’un et l’autre cas, un chômage au moins
        partiel frappera au moins une section du monde ouvrier et patronal.
            Les secteurs qui augmentent ainsi leurs salaires et les couvrent
        par des augmentations du prix de leurs produits, bénéficient tem-
        porairement. Mais en face de ces prix majorés, les autres secteurs
        s’agiteront certainement jusqu’à ce qu’ils obtiennent une augmen-
        tation correspondante. C’est le renchérissement général qui pince
        tous les consommateurs. Or le monde consommateur, n’est-ce pas
        majoritairement le monde ouvrier lui-même?
            Que me sert-il de toucher 5 pour cent de plus en salaire, si le
        prix des produits est augmenté de 5 pour cent? Ou si je dois chô-
        mer une journée ou deux par semaine, ou deux ou trois mois par
        année?
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