Page 165 - Sous le Signe de l'Abondance
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Chapitre 35

            Question ouvrière, problème d’argent


            (Causerie de Louis Even à la radio, reproduite dans Vers De-
        main du 1  novembre 1943.)
                 er
                                 Le salarié

            L’industrie  moderne  a  fait  naître  les  grandes  agglomérations
        ouvrières, qu’un auteur appelle les casernes du prolétariat. Notre
        NouvelleFrance a sa large part de ces casernes, qu’on a érigées
        avec beaucoup d’enthousiasme, en rendant hommage au capital
        étranger qui daignait enfin venir enrégimenter les fils et les filles de
        chez nous.
            Prolétaires des papeteries et des pulperies. Prolétaires des tex-
        tiles. Prolétaires des mines. Prolétaires de l’amiante. Prolétaires de
        l’aluminium.  Prolétaires  multipliés  au  régime  du  développement
        de nos ressources naturelles au bénéfice d’exploitants internatio-
        naux.
            Ne possédant plus un coin de sol pour en tirer leur nourriture,
        ces anciens cultivateurs ou fils de cultivateurs n’ont rien, absolu-
        ment rien que ce que leur salaire peut acheter, pour vivre et faire
        vivre leurs familles.
            Le  salaire  devient  dès  lors  l’arme  par  laquelle  l’employeur
        d’hommes peut manoeuvrer ses employés à son gré.
            Pas plus que l’esclave d’autrefois, le salarié d’aujourd’hui n’est
        réellement libre d’accepter ou de refuser les conditions de travail
        du maître, devenu le patron.
            Sans doute que l’ouvrier peut refuser de servir, sans doute qu’il
        peut quitter son employeur. Mais, en même temps, c’est le pain qui
        quitte sa table, c’est la misère qui s’installe à son foyer.
            Sans doute que l’ouvrier peut rencontrer son patron et lui ex-
        poser ses griefs, lui démontrer comment le salaire touché est insuf-
        fisant, en face des prix, pour lui permettre, à lui et aux siens, une
        honnête subsistance. Mais le patron est-il beaucoup plus indépen-
        dant que l’ouvrier?
            Le patron n’est pas le maître absolu de l’entreprise. Il y a le fi-
        nancier qui, bon an mal an, réclame la fécondité de son argent. Dès
        le jour de son entrée dans la circulation, l’argent ne réclame-t-il pas
        une progéniture?
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