Page 122 - Sous le Signe de l'Abondance
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122 Chapitre 2
— Comment? Ce n’est pas l’argent des déposants que les ban-
ques prêtent?
— Mais si. Mais non. Si, non. Oui d’une manière. Non de l’autre.
On ne touche pas à leur argent; cet argent est à eux. Mais ça nous
permet de prêter de l’argent à des emprunteurs.
— Alors, quel argent prêtez-vous?
— De l’argent de la banque.
— Vous venez de dire qu’il n’est pas sorti un sou de la banque,
pas un sou des déposants non plus. Et M. Toupin a quand même
100 000 $ qu’il n’a pas apportés et qu’il n’avait pas auparavant.
— C’est exact.
— Alors, où étaient ces 100 000 $ avant que M. Toupin vienne
à la banque?
— Bien, ils n’étaient nulle part. Il fallait qu’il vienne les emprun-
ter pour qu’ils soient là maintenant.
— Ils n’existaient pas auparavant?
— Non.
— Alors, ils sont venus au monde au moment du prêt. La ban-
que crée donc l’argent qu’elle prête.
— Je n’aime pas dire cela.
— Mais vos grands chefs le disent bien. Towers l’a dit quand
il était gouverneur de la Banque du Canada. Eccles l’a dit lorsqu’il
était à la tête du système bancaire des Etats-Unis. McKenna l’a dit,
il y a déjà cinquante ans, quand, président de la plus grosse banque
commerciale d’Angleterre, il parlait à des banquiers. Ne soyez donc
pas scrupuleux. La banque crée l’argent qu’elle prête. Il faut bien
d’ailleurs que l’argent commence quelque part, n’est-ce pas? Tous
les gouvernements nous disent que ce ne sont pas eux qui font l’ar-
gent, ils se contentent de taxer. Les travailleurs, eux, se contentent
de suer. Les industriels se contentent de produire. Il ne sort jamais
d’argent au bout de leurs machines; mais il en sort au bout de la
plume du banquier.
On ne vous en veut pas, monsieur le gérant. On est même
content que l’argent moderne soit si facile à faire. Mais ce qu’on
n’aime pas — et ce n’est pas plus votre faute que la guerre n’est la
faute du petit soldat — ce qu’on n’aime pas, c’est que le système
bancaire se considère propriétaire de l’argent ainsi créé, alors que
cet argent est réellement la propriété de la société.