Page 117 - Sous le Signe de l'Abondance
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L’orfèvre devenu banquier 11

        Les prêts de celui-ci, sans déplacement d’or, étaient devenus les
        créations de crédit du banquier. Les reçus primitifs avaient changé
        de forme, prenant celles de simples promesses de payer sur de-
        mande. Les crédits payés par le banquier s’appelèrent dépôts, ce
        qui fit croire au public que le banquier ne prêtait que les sommes
        venues de déposants. Ces crédits entraient dans la circulation au
        moyen de chèques négociables. Ils y déplacèrent en volume et en
        importance  la  monnaie  légale  du  souverain  qui  n’eut  plus  qu’un
        rôle secondaire. Le banquier créait dix fois plus de circulation fidu-
        ciaire que l’Etat.
                        L’orfèvre devenu banquier

            L’orfèvre mué en banquier fit une autre découverte: il s’aperçut
        qu’une abondante mise de reçus (crédits) en circulation accélérait
        le commerce, l’industrie, la construction; tandis que la restriction,
        la compression des crédits, qu’il pratiqua d’abord dans les cas où il
        craignait une course à l’or vers son établissement, paralysait l’essor
        commercial.  Il  semblait,  dans  ce  dernier  cas,  y  avoir  surproduc-
        tion alors que les privations étaient grandes; c’est parce que les
        produits ne se vendaient pas, faute de pouvoir d’achat. Les prix
        baissaient, les banqueroutes se multipliaient, les emprunteurs du
        banquier faisaient défaut à leurs obligations et le prêteur saisissait
        les propriétés gagées.
            Le banquier, très perspicace et très habile au gain, vit ses chan-
        ces, des chances magnifiques. Il pouvait monétiser la richesse des
        autres à son profit: le faire libéralement, causant une hausse des
        prix, ou parcimonieusement, causant une baisse des prix. Il pou-
        vait  donc  manipuler  la  richesse  des  autres  à  son  gré,  exploitant
        l’acheteur en temps d’inflation et exploitant le vendeur en temps
        de dépression.
                       Le banquier maître universel
            Le banquier devenait ainsi le maître universel, il tenait le mon-
        de à sa merci. Des alternances de prospérité et de dépression se
        succédèrent. L’humanité s’inclina sous ce qu’elle prenait pour des
        cycles naturels inévitables.
            Pendant ce temps, savants et techniciens s’acharnaient à triom-
        pher des forces de la nature et à développer les moyens de pro-
        duction. Et l’on vit paraître l’imprimerie, se répandre l’instruction,
        surgir des villes et des habitations meilleures, se multiplier et se
        perfectionner les sources de la nourriture, du vêtement, des agré-
        ments de la vie. L’homme maîtrisa les forces de la nature, attela la
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