Page 47 - Du régime de dettes à la prospérité — J-Crate Larkin
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Chapitre

                            La monnaie rare
            Nous avons déjà mentionné la vieille théorie qui pla-
        ce l’or à la base de toute monnaie. Il est vrai que l’or, lui-
        même un simple produit parmi tant d’autres, a servi de
        monnaie pendant plusieurs siècles. Il pouvait convenir
        comme unique monnaie avant l’âge de la force méca-
        nique. Mais n’est-il pas vraiment étrange de rencontrer
        des financiers qui croient encore aujourd’hui que le mé-
        tal jaune est la seule base de monnaie dans le monde
        si complexe des affaires de notre vingtième siècle? «La
        monnaie, c’est l’or, et rien d’autre», disait J.-P. Morgan en
        1912. Était-il sincère?
            En dépit de l’absurdité de cette déclaration, beaucoup
        de gens l’ont acceptée, et cette acceptation entraîne de
        sérieuses conséquences. L’or est un métal dont la quan-
        tité est très restreinte. À vrai dire, c’est principalement sa
        rareté qui le distingue. Comparé aux besoins de l’indus-
        trie et du commerce modernes, l’or est beaucoup trop
        rare pour être pratique comme monnaie. De fait, la mon-
        naie est loin d’être en parité avec l’or. L’or disparaît de la
        circulation. Les lois de plusieurs pays défendent même
        de s’en servir comme monnaie domestique. Aux États-
        Unis, la simple possession de pièces d’or est devenue
        une infraction à la loi. Mais ceux qui contrôlent la mon-
        naie entretiennent cette théorie d’une base d’or, pour at-
        tacher l’idée de la monnaie à l’idée de l’or et, par voie de
        conséquence, justifier la rareté délibérée de la monnaie
        d’aujourd’hui sur le fait que l’or est un métal rare. Ils font
        ainsi accepter au public une monnaie rare, difficile à ob-
        tenir, en plein siècle d’abondance de produits. Pourtant,
        si tout l’or du monde coulait demain au beau milieu de
        l’Atlantique, ne continuerait-on pas malgré cela à écrire
        des chèques? Combien de temps le public va-t-il tolé-
        rer cette illusion de l’or dans la monnaie, qui permet à
        un petit nombre de maintenir le monde dans la dette et
        la pauvreté? Les pays civilisés, avec leur expérience et
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