Page 204 - La démocratie économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l'Église
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204   Annexe A
            Même raisonnement  pour le vêtement.  Même raisonnement
        pour le logement. Même raisonnement pour tout ce, que les be-
        soins humains réclament normalement.
            Mais avec la priorité accordée à l’argent, le raisonnement est
        tout autre: Les familles veulent du pain, et il y a vraiment du pain
        en abondance pour tous; mais l’argent leur manque pour payer le
        pain. Elles devront donc s’en passer, même si des producteurs de
        produits alimentaires doivent de ce fait diminuer leur production et
        souffrir eux-mêmes de la mévente de leur produits.
            Ou encore: Telle municipalité a besoin d’un aqueduc, ou d’un
        système d’égouts. Elle y pourvoira si elle a l’argent en main: elle
        attendra si l’argent n’est pas là, quand bien même il y aurait dans le
        pays tout ce qu’il faut, en matériaux, en main-d’oeuvre disponible
        et en compétence.
            Si le système financier était un reflet exact des réalités, comme
        il devrait l’être, l’un et l’autre raisonnement pourraient s’équivaloir.
        Mais ce n’est nullement le cas. On a vu, au contraire, l’argent abon-
        der davantage quand les producteurs de biens étaient mobilisés
        par  l’armée  ou  par  des  industries  de  guerre  qui  ne  servent  ni  à
        nourrir, ni à vêtir, ni à loger.
            Demandez au gouvernement de tripler les allocations familia-
        les, parce qu’elles n’ont point été accordées au taux des hausses
        des prix, on vous fera répondre: Ce serait bien désirable, mais no-
        tre situation financière ne le permet pas.
            Objectez: Mais si les familles qui élèvent des enfants se pro-
        curaient plus de lait, plus de fruits, plus d’autres utilités, croyez-
        vous que la capacité de production du pays est trop épuisée pour
        y répondre? On vous répondra: «La question n’est pas là; le pays
        peut  produire,  mais  il  ne  peut  pas  payer  —  et  c’est  final,  on  ne
        passe pas outre.
            La finance n’est pas en rapport avec le réel en matière de pro-
        duction. Et c’est la finance qui dicte la décision. Elle peut faire fi
        des besoins humains: elle est plus sacrée que les enfants, que les
        personnes, que les familles. Elle est du moins considérée comme
        plus sacrée, dans la pratique, par tous les gouvernements. et par
        tous leurs conseillers diplômés du système.
            On pourrait écrire des pages sur cette monstrueuse sujétion à
        un système financier en désaccord avec les possibilités réelles de
        satisfaire des besoins humains. Monstrueuse — surtout quand on
        sait que le monopole de l’argent et du crédit ne domine ainsi la vie
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