Page 160 - La démocratie économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l'Église
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            D’ailleurs, les faits sont là, pour montrer que l’argent est affaire de
        chiffres: chiffres que les monopolisateurs du système peuvent faire
        surgir ou faire disparaître selon leurs décisions, sans be soin d’objets
        concrets autres qu’un livre, une plume et quelques gouttes d’encre.
            Dans une conférence donnée à Westminster, le 7 mars 1936, C.
        H. Douglas disait à son auditoire — un auditoire créditiste :
            «Nous, créditistes, noue disons que le présent système moné-
        taire ne reflète pas les faits. Nos opposants disent qu’il les reflète.
        Eh bien, il n’y a qu’à regarder et se servir de son gros bon sens pour
        voir ce qu’il en est. Comment, par exemple, se fait-il qu’un monde
        qui paraissait presque fiévreusement prospère en 1929, — du moins
        réputé prospère, à en juger par les critères orthodoxes — et certai-
        nement capable de produire et offrir une surabondance de denrées
        et de services, le faisant et en distribuant une proportion considéra-
        ble — comment se fait-il que ce monde-là ait pris figure d’extrême
        pauvreté en 1930? Transformation d’apparence si fondamentale
        que les conditions économiques en ont été changées du tout au
        tout. Est-il raisonnable de supposer qu’entre un jour d’octobre 1929
        et quelques mois plus tard, le monde soit réellement tombé de la
        grande richesse à la grande pauvreté? Evidemment non.»
            Douglas faisait cette remarque trois ans et demi avant l’écla-
        tement de la deuxième grande guerre mondiale. Une fois celle-ci
        déclarée, tout le monde pouvait se poser une question de même
        nature que celle de Douglas, mais en sens inverse:
            Comment se fait-il qu’après une rareté d’argent pendant dix
        années, on trouve subito, du soir au matin, tout l’argent qu’il faut
        pour une guerre qui dure six années et qui coûte des milliards?
            Même réponse dans les deux cas: Le système d’argent n’est
        qu’une question de comptabilité et n’a besoin que de chiffres por-
        tant le sceau de la légalité. Donc, si l’argent manque en face de
        grandes possibilités de produire pour satisfaire les besoins humains
        normaux, et si l’argent devient abondant quand les producteurs et
        les moyens de production sont réquisitionnés pour les champs de
        bataille et la production d’engins de destruction, c’est parce que le
        présent système monétaire impose des décisions, au lieu de reflé-
        ter fidèlement les faits résultant d’actes librement posés par des
        producteurs libres et des consommateurs libres.
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