Page 292 - Une lumière sur mon chemin - Louis Even
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290 33. Une finance saine et efficace
mico-social qui serait ordonné selon la priorité due à la personne,
le philosophe thomiste Jacques Maritain arrive à des conclusions
analogues:
«... C’est un axiome pour l’économie ‘bourgeoise’ et la civili-
sation mercantile qu’on n’a rien pour rien; axiome lié à la concep-
tion individualiste de la propriété. Nous pensons que dans un
régime où la conception de la propriété esquissée ci-dessus (avec
sa fonction sociale) serait en vigueur, cet axiome ne pourrait pas
subsister. Bien au contraire, la loi de l’usus communis porterait à
poser que, du moins et d’abord pour ce qui concerne les besoins
premiers, matériels et spirituels, de l’être humain, il convient
qu’on ait pour rien le plus de choses possible...
«Que la personne humaine soit ainsi servie dans ses néces-
sités primordiales, ce n’est après tout que la première condition
d’une économie qui ne mérite pas le nom de barbare. Les principes
d’une telle économie con duiraient à mieux saisir le sens profond
et les racines essentiellement humaines de l’idée d’héritage, ...
en telle sorte que tout homme, en entrant dans le monde, puisse
effectivement jouir, en quelque façon, de la condition d’héritier
des générations précédentes.» (Humanisme Intégral, pp. 205-6)
Mais ne pourrait-on pas obtenir le même résultat par des hausses
de salaires aux travailleurs ?
Non, mille fois non, puisque les hausses de salaires n’atteignent
que les salariés et ne donnent rien aux personnes qui ne le sont
pas. De plus, les hausses de salaires entrent toutes dans les prix,
ne corrigeant donc pas l’écart entre les prix et le pouvoir d’achat.
Un revenu individuel non lié à l’emploi — comme le dividende
social à tous — est une chose qui s’impose de plus en plus, à me-
sure que s’accroît la productivité: plus de production avec moins
de bras. Avec une automation complète, comment les tenants de
l’emploi comme condition du droit à un revenu, comment feraient-
ils pour distribuer la production quand il n’y aurait plus d’employés ?
Sans en être là, on est tout de même rendu à un point où les pro-
duits sortent plus abondants avec moins d’emploi. La distribution
de pouvoir d’achat doit refléter cette situation.
Les hausses de salaires pour augmenter la somme totale de
pouvoir d’achat ne sont pas une solution conforme à la réalité, ni
conforme à la justice. Si le salaire est la récompense du travail, il