Page 237 - Sous le Signe de l'Abondance
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33 millions de capitalistes 23
— Mais comment ceux qui n’ont pas d’argent, ou qui n’en ont
que peu, pourraient-ils étre considérés comme capitalistes?
— D’abord, en donnant au mot «capital» son vrai sens, le sens de
facteur de production, et non pas seulement le sens ratatiné de som-
mes d’argent. Penser capital en termes de réalités, et non pas en ter-
mes de signes. L’argent n’est qu’un signe. Ce sont les choses qui sont
des réalités dans la production. I.’argent ne sert qu’à chiffrer, à mesu-
rer les valeurs comparatives des choses, à enregistrer, à compter.
Si je possède une ferme, avec ses bâtiments, ses animaux, ses
instruments aratoires, quand même je n’aurais pas un sou en poche,
je possède un capital, — ma ferrne — un capital que je puis mettre
en valeur, dont je puis tirer des produits. Je suis un capitaliste.
Le véritable capital d’un pays, c’est sa capacité de production.
Pas de capacité de production: mettez-y tout l’argent du monde,
aucun produit n’en sortira, ce pays ne pourra nourrir personne.
Gros capital communautaire
— Soit. Mais il y a des gens qui ne possèdent pas plus de capi-
tal réel que de capital argent; qui n’ont ni ferme, ni usine, ni aucun
autre facteur de production. Comment arriver à faire d’eux aussi
des capitalistes, puisque vous dites «Tous capitalistes»?— On y
arrive, en considérant quels sont les facteurs qui entrent dans la
production du pays, et à qui appartiennent ces facteurs.
Nous disions dans un récent article sur ce sujet: La production,
la production moderne surtout, dépend de bien autre chose que le
travail des producteurs et les placements des hommes d’ argent.
Elle dépend tout d’abord de l’existence de matière première, de
ressources naturelles, sans lesquelles aucune production ne serait
possible. Elle dépend aussi, et de plus en plus, de progrès acquis à
travers les générations: inventions, découvertes, savoir-faire, per-
fectionnements dans les techniques de production, — progrès qui
permet une production plus rapide, même avec moins d’employés
et en diminuant les heures d’ouvrage.
Or, ces deux éléments-là, ressources naturelles et progrès, ne
sont la propriété exclusive d’aucun être vivant en particulier. Le pre-
mier élément — ressources naturelles — est un don gratuit de Dieu
à toute l’humanité. Le deuxième — le progrès — est un héritage des
générations, et nous en sommes tous cohéritiers au même titre.
C’est donc là un immense capital réel, dont nous sommes tous
copropriétaires. Un capital communautaire que personne n’empor-
te avec lui, mais qui, devenu facteur prépondérant de la production