Page 206 - Sous le Signe de l'Abondance
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206 Chapitre 41
Or, Mammon n’est pas un César légitime. On n’a rien à rendre
à Mammon, parce que rien n’appartient de droit à Mammon. Mam-
mon est un intrus, un usurpateur, un voleur, un tyran.
Et Mammon est devenu le souverain suprême, au-dessus de
César, au-dessus des plus puissants Césars du monde.
César est devenu l’instrument de Mammon, percepteur de
taxes pour Mammon.
Si César a besoin d’une partie de la capacité de production du
pays pour accomplir ses fonctions, il a aussi terriblement besoin de
surveillance. Et il doit être réprimandé lorsqu’au lieu d’être une ins-
titution au service du bien commun, il s’est fait le serviteur, le valet
de la tyrannie financière.
Le grand désordre moderne, qui s’est développé comme un
cancer formidable pendant que de merveilleux progrès dans la
production auraient dû affranchir les hommes des soucis maté-
riels, c’est qu’on a tout référé à l’argent, comme à une réalité. C’est
d’avoir laissé à des individus le droit de réglementer les conditions
de l’argent, non pas en comptables de réalités, mais en fonction de
leurs propres profits et de la consolidation de leur pouvoir despoti-
que sur la vie économique tout entière.
L’argent né avec la production
Il est une autre occasion, moins citée et pourtant bien inté-
ressante, où Jésus eut affaire avec l’impôt. Et cette fois-là, il ne
s’agissait pas d’un tribut au vainqueur, mais d’un impôt établi par
la nation juive elle-même. (Matthieu 17, 24-36.) Les percepteurs de
cette taxe vinrent trouver saint Pierre et lui demandèrent: «Votre
maître (Jésus) ne paie-t-il pas le didrachme de l’impôt?» Jésus dit
à Pierre: «Va à la mer, tire le premier poisson qui montera, ouvre-
le; tu trouveras dans son ventre un statère, et tu le donneras aux
percepteurs pour toi et pour moi.» Pierre, pêcheur de son métier,
se tira très bien d’affaire.
Cette fois-là, l’argent naquit avec la production. Le gouverne-
ment ne peut faire de miracle, mais il peut très bien ordonner le
système monétaire de sorte que l’argent soit basé sur la produc-
tion, en rapport avec la production. Faire chiffrer la capacité de
production du pays, et faire chiffrer en conséquence les moyens
de paiement pour les deux secteurs: privé et public. Ce serait plus
conforme au bien commun que d’abandonner ce contrôle de l’ar-
gent et du crédit à l’arbitraire des grands-prêtres de Mammon.