Page 142 - Sous le Signe de l'Abondance
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Chapitre 32

             L’argent doit-il réclamer de l’intérêt?

            (Article  de  Louis  Even,  paru  dans  Vers  Demain  du  15  mars
        1945.)
                               Contre nature
            Nous croyons qu’il n’est pas une chose au monde qui ait prêté
        à autant d’abus que l’argent. Pas parce que l’argent est une chose
        mauvaise  en  soi.  Bien  au  contraire,  c’est  probablement  une  des
        plus géniales inventions de l’homme pour assouplir les échanges,
        favoriser l’écoulement des biens à la demande des besoins, et faci-
        liter la vie en société.
            Mais, mettre l’argent sur un autel, c’est de l’idolâtrie. Faire de
        l’argent une chose vivante qui donne naissance à d’autre argent,
        c’est anti-naturel.
            L’argent ne fait pas de petits, selon l’expression du grand philo-
        sophe Aristote. Et pourtant, qui saura compter les contrats, contrats
        entre individus, contrats entre gouvernements et créanciers, aux
        termes desquels l’argent doit faire des petits, sous peine de confis-
        cation de propriété ou de liberté?
            Ce sont les Juifs premièrement, les protestants deuxièmement,
        les mauvais catholiques troisièmement, qui se sont rangés derrière
        la théorie, et derrière la pratique surtout, que l’argent doit produire
        de  l’intérêt.  Et  malgré  tout  l’enseignement  chrétien  dans  le  sens
        contraire, la pratique a fait tellement de chemin que, pour ne pas
        perdre dans la concurence endiablée autour de la fécondité de l’ar-
        gent, tout le monde aujourd’hui doit se conduire comme s’il était
        naturel pour l’argent de faire des petits. L’Eglise n’a pas rescindé
        ses vieilles lois, mais il lui est devenu impossible d’en exiger l’ap-
        plication.

            Les  méthodes  employées  pour  financer  la  croisade  actuelle
        (la guerre mondiale No 2), dans laquelle nous sommes les acoly-
        tes de Churchill, Roosevelt et Staline pour défendre la chrétienté,
        consacrent solennellement la règle que l’argent, même l’argent jeté
        à la mer ou dans les flammes d’incendies de villes, doit porter de
        l’intérêt. Nous faisons ici allusion aux emprunts de la Victoire, qui
        financent la destruction, ne produisent rien et doivent quand même
        porter intérêt.
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