Page 95 - La démocratie économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l'Église
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Le manque chronique de pouvoir d’achat  95

            Est-ce que madame va se désoler parce qu’elle a du temps à
        elle pour en disposer à son gré? Ou bien, son mari va-t-il lui cher-
        cher d’autre ouvrage pour remplacer celui dont elle est libérée?
        Non, n’est-ce pas? Ni l’un ni l’autre ne peut être sot à ce point.
            Si la sottise  règne dans l’organisme social et économique
        jusqu’à faire le progrès punir l’homme qu’il devrait soulager, c’est
        parce que l’on s’obstine à lier le pouvoir d’achat, la distribution
        d’argent, uniquement à l’emploi dans la production. On ne veut
        voir dans l’argent que la récompense à l’effort.
            C’est encore là une perversion du rôle de l’argent. L’argent n’est
        qu’un «ticket» à présenter pour obtenir des produits ou des ser-
        vices. C’est un bon polyvalent, permettant au consommateur de
        choisir ce qui lui convient dans les biens que lui offre la capacité de
        production du pays.
            Si l’on veut que l’économie atteigne sa fin, qui est de satisfaire
        les besoins humains dans l’ordre de leur importance, il faut que les
        individus aient assez de ces bons pour leur permettre d’obtenir as-
        sez de produits, tant que la capacité de production peut y répondre.
        Le volume de l’argent pour acheter doit être réglé par la somme de
        biens offerts, et non pas par la somme de travail nécessaire pour
        les produire.
            Il est vrai que la production distribue de l’argent à ceux qu’elle
        emploie. Mais c’est pour elle un moyen, non pas une fin. Son but
        n’est pas du tout de distribuer de l’argent, mais de fournir des pro-
        duits. Et si elle remplace vingt salariés par une machine, tout en
        fournissant la même quantité de produits, elle ne dévie pas du tout
        de sa fonction. Si elle pouvait fournir tous les produits nécessaires
        pour répondre aux besoins humains sans être obligée de distri-
        buer un seul sou, elle aurait encore atteint sa fin propre: fournir des
        biens.
            En libérant des hommes, l’industrie devrait recevoir les mêmes
        remerciements que M. Laflamme a certainement reçus de sa fem-
        me, lorsqu’il l’a libérée de plusieurs heures d’ouvrage par l’intro-
        duction d’une machine à laver perfectionnée.
                   Quand le pouvoir d’achat disparaît
            Mais comment dire merci quand, mis au repos par la machine,
        on n’a plus d’argent pour acheter les produits de la machine! Voilà
        où le système économique pêche, par manque d’adaptation de sa
        partie financière à sa partie productrice.
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