Page 150 - Une lumière sur mon chemin - Louis Even
P. 150
24. Machines au travail — Dividendes aux hommes
Dans son mémoire annuel au gouvernement de Québec, en
1954, la Confédération des Travailleurs catholiques du Canada, au-
jourd’hui ‘déconfessionnalisée’, insistait auprès du premier ministre
sur le problème aigu du logement. Le premier ministre d’alors était
l’honorable Maurice Duplessis et monsieur Gérard Picard était le
président de la Confédération.
Pour alléger les problèmes du logement, le mémoire sollicitait
le privilège de prêts sans intérêt pour les ouvriers qui voudraient se
faire bâtir une maison familiale. Le gouvernement se chargerait des
intérêts et l’ouvrier n’aurait que le capital à rembourser.
Le mémoire ne demandait pas de briques, mais de l’argent. On
sait bien que les maisons sont bâties avec des briques, mais on sait
bien aussi que les briques deviennent des murs seulement quand
l’argent est là pour payer. Si l’argent n’est pas là, les briques ne
bougent pas et des ouvriers du bâtiment grossissent le nombre
des chômeurs.
M. Duplessis objecta: «Un prêt sans intérêt pour l’ouvrier? C’est-
à-dire un prêt dont le gouvernement paierait l’intérêt à la place de
l’ouvrier emprunteur. Mais vous nous demandez de payer la mai-
son à la place de celui qui l’habite!»
M. Picard répondit: «Non. Les ouvriers rembourseront le capital
sur les vingt à trente ans.»
M. Duplessis reprit: «Dans quinze à vingt ans, le montant de l’in-
térêt sera égal au montant du capital. Si l’ouvrier ne rembourse que
le capital et si le gouvernement paie les intérêts, le gouvernement
paiera le même montant que le prix de la maison au bout de quinze
à vingt ans, et il pourra avoir encore quelques années d’intérêts à
payer en plus.»
M. Duplessis ne pouvait pas mieux démontrer que la famille
pauvre, celle qui ne peut payer une maison que par versements
annuels, est obligée de la payer deux fois. C’était vrai en 1954 et
c’est encore vrai aujourd’hui car cela ne dépend pas du parti au
pouvoir mais du système financier que tous les gouvernements
respectent innocemment, ou lâchement, ou ‘criminellement’.
Voici une maison qui coûte à bâtir, disons $8,000. Si vous êtes
riche, vous la payez tout de suite $8,000. Pas plus. Mais si vous êtes
pauvre, vous la payerez $12,000, $15,000 et même plus selon le
nombre d’années que ça vous prendra. Plus vous êtes pauvre, plus
vous prendrez d’années à la payer et donc plus elle vous coûtera
cher.