Page 60 - Sous le Signe de l'Abondance
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60   Chapitre 13

            Qu’on ne voit pas dans cette théorie l’ombre de communisme
        ou de socialisme. L’industrie privée demeure. La propriété privée
        demeure. Le propriétaire continue de retirer la pleine valeur de son
        bien. Le capital privé réellement placé continue de commander des
        dividendes raisonnables. Le travail continue de retirer son salaire.
        Mais les héritiers touchent le revenu annuel de leur héritage.
            Tous,  jeunes  ou  vieux,  riches  ou  pauvres,  employés  ou  non
        employés, malades ou en santé, ont droit à ce dividende, parce
        qu’il  n’est  gagné  par  personne  en  particulier,  parce  que  tous  les
        contributeurs directs à la production ont d’abord touché leur ré-
        compense, parce que les surplus sont le seul fait de l’actif culturel.
            C’est la propriété commune de tout le monde. Si vous l’accor-
        dez à quelques-uns plus qu’à d’autres, vous favorisez un héritier
        plus  que  l’autre.  Si  vous  ne  l’accordez  à  personne,  vous  laissez
        la  production  se  gaspiller  ou  se  restreindre  en  face  des  besoins
        criants, vous avez l’injustifiable situation de la misère au sein de
        l’abondance.
                              Rien pour rien?
            — Mais c’est donner quelque chose pour rien?
            — C’est donner des titres à la richesse pour distribuer une ri-
        chesse qui existe. C’est accorder aux sociétaires un dividende sur
        le capital accumulé par leurs pères et qu’eux-mêmes vont conti-
        nuer de grossir en faveur de leurs fils.
            Relisez en finissant cette citation du grand philosophe catholi-
        que Jacques Maritain:
            «Nous pensons que, dans un régime où la conception (plus
        sociale) de la propriété serait en vigueur, cet axiome («rien pour
        rien») ne pourrait pas subsister. Bien au contraire, la loi de l’usus
        communis porterait à poser que, du moins et d’abord pour ce qui
        concerne  les  besoins  premiers,  matériels  et  spirituels,  de  l’être
        humain, il convient qu’on ait pour rien le plus de choses possi-
        ble...  Que  la  personne  humaine  soit  servie  dans  ses  nécessités
        primordiales, ce n’est après tout que la première condition d’une
        économie qui ne mérite pas le nom de barbare.
            «Les  principes  d’une  telle  économie  conduiraient  à  mieux
        saisir  le  sens  profond  et  les  racines  essentiellement  humaines
        de l’idée d’héritage, en telle sorte que... tout homme, en entrant
        dans le monde, puisse effectivement jouir, en quelque sorte, de la
        condition d’héritier des générations précédentes.»
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