Page 46 - Sous le Signe de l'Abondance
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Le gouvernement souverain est devenu un signataire de dettes
envers un petit groupe de profiteurs. Le ministre, qui représente
trente millions d’hommes, de femmes et d’enfants, signe des det-
tes impayables. Le banguier, qui représente quelques actionnaires
assoiffés de profit, manufacture l’argent du pays.
C’est un aspect frappant de la déchéance du pouvoir dont parle
le Pape: les gouvernements sont déchus de leurs nobles fonctions
et sont devenus les valets des intérêts privés.
Le gouvernement, au lieu de piloter le Canada, s’est transformé
en percepteur d’impôts; et l’item le plus gros de l’emploi des im-
pôts est justement l’intérêt sur la dette publique.
Aussi l’administration consiste-t-elle surtout à taxer les citoyens,
et la législation, à placer partout des restrictions à la liberté.
On a des lois pour protéger les remboursements aux faiseurs
d’argent. On n’en a pas pour empêcher un être humain de mourir
de misère.
Quant aux individus, l’argent rare développe chez eux la men-
talité de loups. En face de l’abondance, c’est à qui obtiendra le
signe trop rare qui donne droit à l’abondance. D’où, concurrence
effrénée, luttes pour le fromage politique, dénonciations, dictatures
patronales, chicanes domestiques, etc.
Un petit nombre mange les autres; le grand nombre gémit, plu-
sieurs dans une abjection déshonorante.
Des malades restent sans soins; des enfants reçoivent une
nourriture inférieure ou insuffisante; des talents ne peuvent se dé-
velopper; des jeunes gens ne peuvent se déplacer ni fonder un
foyer; des cultivateurs perdent leurs fermes; des industriels font
banqueroute; des familles vivotent péniblement — le tout sans
autre justification que le manque d’argent.
La plume du banquier impose au public les privations, aux gou-
vernements la servitude.