Page 226 - Sous le Signe de l'Abondance
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226   Chapitre 45

            — Mais vous ne savez pas combien de moteurs sont en mar-
        che, ni quel ouvrage ils font?
            — Non, et cela ne me regarde pas. Je fournis la vapeur à la
        demande.
            — Mais si, dans l’usine, on fait des choses inutiles, ou si l’on y
        fait des choses nuisibles, dangereuses, vous fournissez de la va-
        peur quand même?
            — Ma fonction n’est pas de juger ce qui se fait dans l’usine.
        Cette responsabilité-là relève des gens de l’usine, de leur gérant,
        des  demandes  des  acheteurs,  des  surveillants  de  la  société.  Ma
        fonction, à moi, est de fournir de la vapeur à la demande.
            — Si tout d’un coup, monsieur le chauffeur, trop de machines
        arrêtaient en méme temps, est-ce que la pression ne deviendrait
        pas trop forte, même pendant que vous modérez les feux?
            — Dans ce temps-là, voyez-vous cette soupape, avec un contre-
        poids, au-dessus du dôme à vapeur? A 175 livres, elle s’ouvrirait,
        automatiquement, et laisserait échapper de la vapeur. Cet excédent
        serait nuisible si on ne lui ménageait pas une sortie, car la chau-
        dière pourrait éclater sous une trop forte pression.
            — Tout est prévu, monsieur le chauffeur. Alors, ce cadran-là vous
        passe des commandes de vapeur, et vous allez d’après le cadran.
            — Exactement.
            — Si vous refusiez de suivre les indications du cadran, si vous
        montiez ou descendiez d’après votre propre volonté, monsieur le
        chauffeur, c’est vous qui régleriez le volume des activités dans l’usi-
        ne. Beaucoup de vapeur, l’usine marcherait à plein; pas beaucoup
        de vapeur, l’usine devrait ralentir. Vous pourriez même la condam-
        ner à fermer ses portes. Vous seriez le maître!
            — Si j’agissais ainsi, je ferais de la vapeur une puissance pour
        dominer, et non un service pour aider. Je serais un usurpateur et un
        saboteur. Il suffit d’avoir du bon sens pour comprendre que l’usine
        ne doit pas être réglée d’après la vapeur, c’est la vapeur qui doit
        être réglée d’après les besoins de l’usine.
            Félicitons ce chauffeur d’avoir plus de jugement que les mai-
        tres de la finance, que les banquiers qui font et défont l’argent, sans
        égard aux demandes du pays. Eux ont changé un instrument de
        service en un instrument de domination.
            Le mouvement créditiste veut ramener la finance à l’ordre. Il
        veut une monnaie servante et non une monnaie maitresse. Il veut
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