Page 54 - La démocratie économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l'Église
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        taire, à grand profit pour lui-même. Il triompha vite de sa nervosité
        du début qui lui avait fait craindre une demande simultanée d’or par
        un grand nombre de détenteurs de reçus. Il pouvait jouer dans une
        certaine limite en toute sécurité. Quelle aubaine, de prêter ce qu’il
        n’avait pas et d’en tirer intérêt — grâce à la confiance qu’on avait
        en lui et qu’il eut soin de cultiver! Il ne risquait rien tant qu’il avait
        pour couvrir ses prêts une réserve que son expérience jugeait suf-
        fisante. Si, d’autre part, un emprunteur manquait à ses obligations
        et ne remettait pas le prêt l’échéance venue, l’orfèvre acquérait la
        propriété gagée. Sa conscience s’émoussa vite et les scrupules du
        début ne le tourmentèrent plus.
                             Création de crédit
            D’ailleurs, il crut sage de changer la formule et quand il prê-
        ta, au lieu d’écrire: «Reçu de Jacques Lespérance...» il écrivit: «Je
        promets de payer au porteur...» Cette promesse circula comme de
        la monnaie d’or. Incroyable, direz-vous. Allez donc, regardez vos
        billets de banque d’aujourd’hui. Lisez le texte qu’ils portent. Sont-ils
        si différents et ne circulent-ils pas comme monnaie?
            Un figuier fertile, le système bancaire privé, créateur et maître
        de la monnaie, avait donc poussé sur les voûtes de l’orfèvre. Les
        prêts de celui-ci, sans déplacement d’or, étaient devenus les créa-
        tions de crédit du banquier. Les reçus primitifs avaient changé de
        forme, prenant celles de simples promesses de payer sur deman-
        de. Les crédits payés par le banquier s’appelèrent dépôts, ce qui fit
        croire au public que le banquier ne prêtait que les sommes venues
        de déposants. Ces crédits entraient dans la circulation au moyen de
        chèques négociables. Ils y déplacèrent en volume et en importance
        la monnaie légale du souverain qui n’eut plus qu’un rôle secon-
        daire. Le banquier créait dix fois plus de circulation fiduciaire que
        l’Etat.
                        L’orfèvre devenu banquier
            L’orfèvre mué en banquier fit une autre découverte: il s’aper-
        çut qu’une abondante mise de reçus (crédits) en circulation accé-
        lérait le commerce, l’industrie, la construction; tandis que la res-
        triction, la compression des crédits, qu’il pratiqua d’abord dans
        les cas où il craignait une course à l’or vers son établissement,
        paralysait  l’essor commercial.  Il semblait,  dans ce dernier  cas,
        y avoir  surproduction alors que les privations  étaient  grandes;
        c’est parce que les produits ne se vendaient pas, faute de pouvoir
        d’achat. Les prix baissaient, les banqueroutes se multipliaient, les
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