Page 26 - Sous le Signe de l'Abondance
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Chapitre 4
Les biens
Les biens existent-ils? Existent-ils en quantité suffisante pour
satisfaire tous les besoins premiers des consommateurs?
L’humanité a passé par des périodes de disette; des famines
couvraient de grands pays et l’on manquait des moyens de trans-
port appropriés pour amener vers ces pays les richesses d’autres
sections de la planète.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’abondance nous déborde.
C’est elle — non plus la rareté — qui crée le problème.
Il n’est nullement besoin d’entrer dans les détails pour démon-
trer ce fait. Nullement besoin de citer les cas de destruction vo-
lontaire, sur grande échelle, pour «assainir les marchés» en faisant
disparaître les stocks.
L’exemple de deux grandes guerres prouve suffisamment le
point.
De 1914 à 1918 et de 1939 à 1945, des millions d’êtres humains,
dans la force de l’âge, les plus capables de produire, furent détour-
nés de la production de choses utiles et employés à la destruction.
Des industries, des machines puissantes subirent le même sort. Et
malgré cela, l’humanité avait encore devant elle le nécessaire pour
vivre.
Les famines ne sont plus que des famines artificielles, voulues
par des hommes. Il faut des champs de mines, des sous-marins,
des torpilles, des blocus organisés par la force, pour empêcher
l’abondance de déborder sur tous les pays.
Lorsqu’on envisage les problèmes d’après-guerre, on ne se de-
mande jamais où l’on va trouver du blé demain, où des matériaux
et des ouvriers. Tout autre est la question qui désampare les hom-
mes d’Etat et tous les sociologues: Que fera-t-on de tous ces bras,
de toutes ces machines, de toutes ces inventions productrices que
la fin de la guerre remettra en disponibilité?
Si, entre les deux guerres, tous les foyers n’ont pas joui de
l’abondance, ce n’est certainement pas par défaut de biens ou de
capacité de produire des biens. C’est uniquement parce que les
consommateurs n’avaient pas le moyen de commander la pro-
duction.