Page 104 - Sous le Signe de l'Abondance
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104   Chapitre 23

            Il ne faut pas conclure de là que votre banquier local fait partie
        de cette dictature. Il n’est qu’un subalterne qui, probablement, n’a
        même pas conscience qu’en inscrivant des prêts dans le livre de sa
        banque, il crée du crédit, et que les remboursements qu’il y inscrit
        détruisent ce crédit.
            Ce n’est pas lui, non plus, qui décrète les restrictions de crédit
        qui anémient l’organisme économique. Il ne fait qu’agir selon les
        directives qu’il reçoit, sans avoir l’idée de se soucier des consé-
        quences.
            Vous entendrez encore des instruits attardés nier que le volume
        du crédit en circulation dépende de l’action des banques. Ces ins-
        truits attardés, ou réfractaires à des évidences, fournissent un pré-
        cieux appui au super-pouvoir, par leur ignorance si c’en est une, ou
        par des intérêts personnels qui les lient, ou par leur complicité avec
        une puissance qui peut leur faciliter des promotions.
            Les banquiers de haute classe, eux, savent très bien que le cré-
        dit financier, qui forme le gros de l’argent moderne, naît et meurt
        dans les grands-livres des banques.
            Un banquier anglais distingué, Reginald McKenna, qui fut un
        temps  ministre  des  Finances  de  son  pays  (Chancelier  de  l’Echi-
        quier), puis plusieurs années chairman de la Midland Bank, une des
        cinq grosses banques (Big Five) d’Angleterre, disait, en 1934, à une
        assemblée annuelle des actionaires de cette banque:
            «Le peuple ignore généralement que le volume de l’argent en
        circulation dépend de l’action des banques. Tout prêt bancaire,
        direct ou par découvert (overdraft), augmente le flot de crédit en
        circulation, et tout remboursement d’un prêt bancaire diminue ce
        flot d’un montant égal au remboursement.»
            Ayant aussi été ministre des Finances, McKenna savait très bien
        où réside le plus gros des deux pouvoirs, celui de la banque ou ce-
        lui du plus haut gouvernement du pays. Il eut même la franchise,
        rare chez des banquiers de ce niveau, de déclarer:
            «Elles (les banques) contrôlent le crédit de la nation, dirigent
        les  lignes  de  conduite  des  gouvernements  et  tiennent  dans  le
        creux de leurs mains les destinées des peuples.»
            Ce qui s’accorde parfaitement avec ce que Quadragesimo Anno
        de Pie XI dit de ceux qui, «gouvernant le crédit et le dispensant
        selon leur bon plaisir... tiennent entre leurs mains la vie de l’orga-
        nisme économique, si bien que, sans leur consentement, nul ne
        peut plus respirer».
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