Page 240 - La démocratie économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l'Église
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240 Annexe E
aux 3 T pour lesquels vous luttez. Une économie vraiment com-
munautaire, l’on pourrait dire, une économie d'inspiration chré-
tienne, doit garantir aux peuples dignité, «un accomplissement
sans fin». Cette dernière phrase a été dite par le Pape Jean XXIII il
y a cinquante ans (dans sa lettre encyclique Mater et Magistra, n.
3). Jésus dit dans l’Evangile que celui qui donne spontanément un
verre d’eau à qui a soif, en recevra la récompense dans le Royaume
des Cieux. Cela implique les 3 T mais aussi l'accès à l'éducation, à
la santé, à l'innovation, aux manifestations artistiques et culturel-
les, à la communication, au sport et au loisir. Une économie juste
doit créer les conditions pour que chaque personne puisse jouir
d'une enfance sans privations, développer ses talents durant la
jeunesse, travailler de plein droit pendant les années d'activité et
accéder à une retraite digne dans les vieux jours. C'est une écono-
mie où l'être humain, en harmonie avec la nature, structure tout
le système de production et de distribution pour que les capa-
cités et les nécessités de chacun trouvent une place appropriée
dans l'être social. Vous, et aussi d'autres peuples, vous résumez
ce désir ardent d'une manière simple et belle: «vivre bien». (Qui
n’est pas la même chose que bien s’en sortir).
Cette économie est non seulement désirable et nécessaire
mais aussi possible. Ce n'est pas une utopie et une imagination.
C'est une perspective extrêmement réaliste. Nous pouvons l’at-
teindre. Les ressources disponibles dans le monde, fruit du travail
intergénérationnel des peuples et les dons de la création, sont
plus que suffisants pour le développement intégral de ‘‘tout hom-
me et tout l'homme”. (Paul VI, lettre encyclique Populorum Pro-
gressio, n. 14.) Le problème est, en revanche, autre. Un système
existe avec d'autres objectifs. Un système qui même en accélérant
de façon irresponsable les rythmes de la production, même en
mettant en œuvre des méthodes dans l'industrie et dans l'agricul-
ture, méthodes préjudiciables à la Mère Terre au nom de la «pro-
ductivité», continue de nier à des milliers de millions de frères les
droits économiques, sociaux et culturels les plus élémentaires. Ce
système porte atteinte au projet de Jésus.
La juste distribution des fruits de la terre et du travail humain
n'est pas de la pure philanthropie. C'est un devoir moral. Pour les
chrétiens, la charge est encore plus lourde : c'est un commande-
ment. Il s'agit de rendre aux pauvres et aux peuples ce qui leur
appartient. La destination universelle des biens n'est pas une
figure de style de la doctrine sociale de l'Église. C'est une réalité