Page 40 - La démocratie économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l'Église
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40 Leçon 3
A quoi sert de dire aux hommes et aux femmes que leur pays
est riche, qu’il exporte beaucoup de produits, qu’il est le troisième
ou quatrième pays au monde pour l’exportation?
Ce qui sort du pays n’entre pas dans les maisons des citoyens.
Ce qui reste dans les magasins ne vient pas sur leur table.
La femme ne nourrit pas ses enfants, ne les chausse pas, ne
les habille pas, en contemplant les vitrines, en lisant les annon-
ces de produits dans les journaux, en entendant la description de
beaux produits à la radio, en écoutant les boniments des innom-
brables agents de vente de toutes sortes.
C’est le droit d’avoir ces produits qui manque. On ne peut pas
les voler. Pour les obtenir, il faut payer, il faut avoir de l’argent.
Il y a beaucoup de bonnes choses au pays, mais le droit à ces
choses, la permission de les obtenir manque à bien des personnes
et des familles qui en ont besoin.
Manque-t-il autre chose que l’argent? Qu’est-ce qui manque, à
part du pouvoir d’achat pour faire les produits passer des magasins
aux maisons?
L’humanité a passé par des périodes de disette; des famines
couvraient de grands pays et l’on manquait des moyens de trans-
port appropriés pour amener vers ces pays les richesses d’autres
sections de la planète.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’abondance nous déborde.
C’est elle — non plus la rareté — qui crée le problème.
Il n’est nullement besoin d’entrer dans les détails pour démon-
trer ce fait. Nullement besoin de citer les cas de destruction volon-
taire, sur grande échelle, pour «assainir les marchés» en faisant dis-
paraître les stocks. Ne donnons ici que quelques exemples:
Le quotidien «La Presse» de Montréal du 7 juin 1986 rapportait
le cas des patates du Nouveau-Brunswick: «Le mois dernier... le
gouvernement fédéral décidait de jeter près de 100 000 tonnes de
pommes de terre, après en avoir envoyé 2 500 tonnes déshydra-
tées dans deux pays africains.
«La mobilisation générale de fermiers du Nouveau-Brunswick,
de compagnies de transport et de bénévoles a permis d’en sauver
près de 180 000 kilos qui ont pris le chemin des soupes populaires
et des petits centres d’hébergement du Nouveau-Brunswick, de To-
ronto, d’Ottawa, de Montréal. Mais 90 000 tonnes, l’équivalent d’un
sac de 10 livres (4,5 kg) de patates pour chaque Canadien, se sont