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Une civilisation d’hommes libérés financièrement




























                        par Louis Even
            Quelqu’un ayant un jour demandé à Douglas,       production à faire, des peines à endurer, des mala-
        fondateur de l’école créditiste, où il comptait aboutir   dies à soigner, des deuils à subir, des études à pour-
        avec la propagande de sa doctrine, le Crédit Social, le   suivre, des vices à combattre, des vertus à acquérir.
        grand homme répondit:                                Il y aurait encore des ambitions à refouler, des injusti-
            «Je vais vous dire, largement parlant, ce que    ces à dénoncer, de la charité à pratiquer.
        nous poursuivons. Nous essayons d’ou vrir le jour        Aujourd’hui, vous pouvez avoir des silos pleins à
        à une nouvelle civilisation, quel que chose qui va   craquer, des producteurs de blé qui se lamentent de
        bien au-delà d’un simple changement dans le sys-     l’entassement de leur grain, et en face, des gens qui
        tème financier. Nous espérons, par divers moyens,    manquent  de  pain.  Vous  n’auriez  pas  cela  sous  un
        surtout d’ordre financier, de permettre à la commu-  régime de Crédit Social. Le pain serait selon le blé, et
        nauté humaine de passer d’un type de civilisation    non pas selon l’argent; ou plutôt, vu qu’alors l’argent
        à un autre; et la première condition requise, selon   serait lui-même selon le blé, le pain serait à la fois
        nous, est celle d’une sécurité écono mique absolue.»  selon le blé présent qui per met de faire du pain, et
                         Une libération                      selon  l’argent  rendu  présent  qui  permettrait  à  tous
                                                             d’en obtenir; et ainsi d’autres produits et services
            Que serait cette nouvelle civilisation? En quoi   répon dant aux besoins.
        le comportement des hommes, leurs rap ports mu-           Le droit de tous aux biens matériels
        tuels, seraient-ils différents, meilleurs que ceux
        d’aujourd’hui?  Quels seraient les caractères distinc-   Notre civilisation actuelle possède certai nement
        tifs de ce nouveau type de civilisation à laquelle, se-  de grandes richesses, des richesses matérielles, des
        lon Douglas, le Cré dit Social permettrait aux hommes   richesses culturelles; et l’Egli se nous offre ses riches-
        d’accéder?                                           ses spirituelles à plei nes mains, sans rationnement.
            Personne ne peut répondre d’avance à ces ques-       Mais c’est tout de même une civilisation d’hom-
        tions. Le Crédit Social n’a jamais prétendu tailler un   mes enchaînés, soumis à des conditions imposées,
        mode quelconque de vie à personne. Il couperait des   conditions souvent difficiles ou même impossibles
        liens; mais il ne régenterait pas les hommes dont il   à plusieurs, pour leur ac cès individuel aux richesses
        aurait coupé les liens.                              matérielles et aux richesses culturelles. La poursuite
            Selon l’expression d’un autre écrivain cré ditiste,   des riches ses spirituelles elle-même en souffre, car
        le Crédit Social n’est pas une pana cée, mais une libé-  l’homme absorbé par les soucis matériels ne vit pas
                                                             dans  un  climat  bien  favorable  à  l’élé vation  de  son
        ration.                                              âme et à l’exercice de la vertu.
            On appelle «panacée» un remède univer sel
                                                                 Saint Thomas n’a-t-il pas indiqué la nécessité
        contre tous les maux, physiques ou moraux.           d’une suffisance de biens matériels pour pouvoir pra-
            Il n’existe évidemment pas de panacée: c’est du   tiquer la vertu? Et le Pape Pie XII lui-même, le 14 mai
        domaine de l’utopie. Et le Crédit Social n’est certaine-  1953:
        ment pas une panacée.                                    «L’usage des biens temporels est néces saire à
            Sous un régime créditiste, il y aurait encore de la   l’exercice des vertus et, par consé quent, pour mener,


        8      VERS DEMAIN  août-septembre 2023                                            www.versdemain.org
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