Page 19 - Vers Demain août 2023
P. 19
Moïse et le buisson ardent (Exode 3)
la doublure de son manteau, et que l’on n’a découvert Avant la nuit du 23 novembre 1654, cela est clair,
qu’après sa mort. S’il est impossible de savoir exac- Pascal «n’a aucun doute sur l’existence de Dieu.
tement quelle est la nature de ce qui s’est passé dans Il sait aussi que ce Dieu est le souverain bien. […]
l’âme de Pascal cette nuit-là, il apparaît qu’il s’agit Ce qui lui manque et ce qu’il attend, ce n’est pas
d’une rencontre dont lui-même a reconnu l’analo- un savoir mais un pouvoir, ce n’est pas une vérité
gie avec celle, fondamentale dans toute l’histoire de mais une force». Or cette force lui est donnée par
la révélation et du salut, vécue par Moïse devant le grâce: il se sent attiré, avec certitude et joie, par
buisson ardent (cf. Ex 3). Jésus-Christ: «Nous ne connaissons Dieu que par
Le terme «Feu», que Pascal a voulu placer en tête Jésus-Christ. Sans ce médiateur est ôtée toute com-
du Mémorial, nous invite, toute proportion gardée, munication avec Dieu». Découvrir Jésus-Christ, c’est
à proposer ce rapprochement. Le parallèle semble découvrir le Sauveur et Libérateur dont j’ai besoin:
indiqué par Pascal lui-même qui, immédiatement «Ce Dieu-là n’est autre chose que le réparateur de
après l’évocation du feu, a repris le titre que le Sei- notre misère. Ainsi nous ne pouvons bien connaître
gneur s’était donné devant Moïse: «Dieu d’Abraham, Dieu qu’en connaissant nos iniquités». Comme tou-
Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob» (Ex 3, 6.15), en ajoutant: te conversion authentique, la conversion de Blaise
«non des philosophes et des savants. Certitude. Cer- Pascal se joue dans l’humilité qui nous délivre « de
titude. Sentiment. Joie. Paix. Dieu de Jésus-Christ». notre conscience isolée et de l’autoréférence».
Oui, notre Dieu est joie, et Blaise Pascal en té- L’intelligence immense et inquiète de Blaise Pas-
moigne à toute l’Église ainsi qu’à tout chercheur de cal, emplie de paix et de joie devant la révélation de
Dieu: «Ce n’est pas le Dieu abstrait ou le Dieu cosmi- Jésus-Christ, nous invite, selon l’«ordre du cœur», à
que, non. C’est le Dieu d’une personne, d’un appel, marcher sûrement à la clarté de ces «célestes lumiè-
res». Car si notre Dieu est un «Dieu caché» (cf. Is 45,
le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, le Dieu qui est 15), c’est parce qu’il «a voulu rester caché», de sorte
certitude, qui est sentiment, qui est joie». Cette ren- que notre raison, illuminée par la grâce, n’aura jamais
contre, qui a confirmé à Pascal la «grandeur de l’âme fini de le découvrir. C’est donc par l’illumination de
humaine», l’a comblé de cette joie vive et inépuisa- la grâce que l’on peut le connaître. Mais la liberté de
ble: «Joie, joie, joie, pleurs de joie». l’homme doit s’ouvrir, et déjà Jésus nous console:
Et cette joie divine devient pour Pascal le lieu de «Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé».
la confession et de la prière: «Jésus-Christ. Je m’en
suis séparé: je l’ai fui, renoncé, crucifié. Que je n’en Foi et raison
sois jamais séparé». C’est l’expérience de l’amour Si la foi est raisonnable, elle est aussi un don
de ce Dieu personnel, Jésus-Christ, puisqu’il a pris de Dieu, et ne saurait s’imposer: «On ne prouve pas
part à notre histoire et que sans cesse il prend part qu’on doit être aimé en exposant d’ordre les causes
à notre vie, qui entraîne Pascal sur le chemin de la de l’amour, cela serait ridicule», relève Pascal avec
conversion profonde, et donc de cette «renonciation la finesse de son humour, en traçant un parallèle
totale et douce», parce que vécue dans la charité, à entre l’amour humain et la façon dont Dieu nous fait
«l’homme ancien corrompu par les convoitises qui signe. Pas plus que l’amour, «qui se propose mais ne
l’entraînent dans l’erreur» (Ep 4, 22). s’impose pas – l’amour de Dieu ne s’impose jamais». u
www.versdemain.org VERS DEMAIN août-septembre 2023 19