Page 17 - Vers Demain août 2023
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chant de constater que, dans les derniers jours de   envahit avec toute sa puissance et nous libère de
        sa vie, un penseur aussi brillant que Blaise Pascal ne   la faiblesse de l’égoïsme, du confort, de l’orgueil».
        voyait pas d’autre urgence que de mettre son éner-   En outre, «sans la sagesse du discernement, nous
        gie au service de la miséricorde: «L’unique objet de   pouvons devenir facilement des marionnettes à la
        l’Écriture est la charité».                          merci des tendances du moment». C’est pourquoi
            Je me réjouis donc que la providence, en ce qua-  l’intelligence et la foi vive de Blaise Pascal, qui a
        trième centenaire de sa naissance, me donne l’occa-  voulu montrer que la religion chrétienne est «vé-
        sion de lui rendre hommage et de souligner ce qui,   nérable parce qu’elle a bien connu l’homme» et
        dans sa pensée et dans sa vie, me paraît propre à sti-  «aimable parce qu’elle promet le vrai bien», peu-
        muler les chrétiens de notre temps et tous les hom-  vent nous aider à progresser à travers les obscuri-
        mes et femmes de bonne volonté dans la recherche     tés et les disgrâces de ce monde.
        du  vrai  bonheur:  «Tous  les  hommes  recherchent        Un esprit scientifique exceptionnel
        d’être heureux. Cela est sans exception, quelques
        différents moyens qu’ils y emploient. Ils tendent tous   Lorsque sa mère meurt en 1626, Blaise Pascal est
        à ce but». Quatre siècles après sa naissance, Pascal   âgé de trois ans. Etienne, son père, juriste réputé, est
        reste pour nous le compagnon de route qui accom-     également renommé pour ses dispositions scientifi-
        pagne notre recherche du vrai bonheur et, selon le   ques remarquables, en particulier dans les mathéma-
        don de la foi, notre reconnaissance humble et joyeu-  tiques et la géométrie. Décidé à faire seul l’éducation
        se du Seigneur mort et ressuscité.                   de ses trois enfants Jacqueline, Blaise et Gilberte, il
                                                             s’installe à Paris en 1632. Très tôt, Blaise montre une
         Un amoureux du Christ qui parle à chacun            intelligence exceptionnelle… Un jour, le père surprit
            Le monument que forment ses Pensées, dont        son fils dans des recherches de géométrie et s’aper-
        certaines  formules  isolées  sont  restées  célèbres,   çut bientôt que, sans savoir que ces théorèmes exis-
        ne peut se comprendre réellement si  l’on ignore     taient dans des  livres sous d’autres noms, Blaise,
        que Jésus-Christ et l’Écriture Sainte en constituent   âgé de douze ans, avait démontré entièrement seul,
        à la fois le centre et la clé. Car si Pascal a entrepris   en dessinant des figures sur le sol, les trente-deux
        de parler de l’homme et de Dieu, c’est parce qu’il   premières propositions d’Euclide. Gilberte (la sœur
        était arrivé à la certitude que «non seulement nous   de Blaise) se souvient alors que leur père fut «épou-
        ne connaissons Dieu que par Jésus‑Christ, mais       vanté de la grandeur et de la puissance de ce génie».
        nous ne nous connaissons nous-mêmes que par              Dans les années qui suivront, Blaise Pascal fera
        Jésus‑Christ. Nous ne connaissons la vie, la mort    fructifier son immense talent en y consacrant sa for-
        que par Jésus‑Christ. Hors de Jésus‑Christ, nous ne   ce de travail. Dès l’âge de dix-sept ans, il fréquente
        savons ce qu’est ni notre vie ni notre mort, ni Dieu,   les plus grands savants de son temps. Assez vite,
        ni nous‑même. Ainsi sans l’Écriture, qui n’a que Jé-  se succèdent les découvertes et les publications. En
        sus‑Christ pour objet, nous ne connaissons rien et ne   1642, âgé de dix-neuf ans, il invente une machine
        voyons qu’obscurité».                                d’arithmétique, ancêtre de nos calculatrices.
            Pascal avait certes le souci de faire connaître à    Plusieurs des écrits de Pascal relèvent pour une
        tous les hommes que «Dieu et le vrai sont insépara-  large part du discours philosophique. En particulier
        bles». Mais il savait que l’acte du croyant est possible   ses Pensées, cet ensemble de fragments publiés à ti-
        par la grâce de Dieu, reçue dans un cœur libre. Lui   tre posthume qui sont les notes ou les brouillons d’un
        qui par la foi avait fait la rencontre personnelle du   philosophe animé d’un projet théologique, dont les
        «Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non    chercheurs s’attachent à reconstituer, non sans va-
        des philosophes et des savants», avait reconnu en    riations, la cohérence et l’ordre originaires. L’amour
        Jésus-Christ «le Chemin, la Vérité et la Vie» (Jn 14,   éperdu pour le Christ et le service des pauvres que
        6). C’est pourquoi je propose à tous ceux qui veulent   j’ai mentionnés au début ne furent pas tant la marque
        continuer de rechercher la vérité – tâche qui en cette   d’une rupture dans l’esprit de ce disciple audacieux,
        vie n’a pas de fin –, de se mettre à l’écoute de Blaise   que celle d’un approfondissement vers la radicalité
        Pascal, un homme à l’intelligence prodigieuse qui a   évangélique, d’une progression vers la vérité vivan-
        voulu rappeler qu’en dehors des visées de l’amour il   te du Seigneur, avec le secours de la grâce. Lui qui
        n’y a pas de vérité qui vaille: «On se fait une idole de   avait la certitude surnaturelle de la foi, et qui la voyait
        la vérité même, car la vérité hors de la charité n’est   si conforme à la raison, quoique la dépassant infini-
        pas Dieu, et est son image et une idole qu’il ne faut   ment, a voulu pousser le plus loin possible la discus-
        point aimer ni adorer».                              sion avec ceux qui ne partageaient pas sa foi, car à
            Le drame de notre vie est que parfois nous       «ceux qui ne l’ont pas, nous ne pouvons la donner
        voyons mal, et que par conséquent nous choisis-      que par raisonnement en attendant que Dieu la leur
                                                             donne par sentiment de cœur». Évangélisation toute
        sons mal. En réalité, nous ne pouvons goûter au      de respect et de patience que notre génération aura
        bonheur de l’Évangile «que si l’Esprit Saint nous                                                      u
                                                             intérêt à imiter.

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