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u Et pour faciliter la satisfaction des besoins maté-
riels de l’homme, il y a l’ordre économique temporel. Le 7 mars 1938,
Cet ordre répond à sa fin dans la mesure où il est vrai- fête de saint Thomas
ment social, où il est établi sainement pour des per- d'Aquin, des créditistes
sonnes humaines. Dans la mesure où les dispositions
de l’organisme économique et social sont basées de Montréal voulurent
sur une philosophie de la personne, de la personne souligner leur adhésion
humaine. Dans la mesure où chaque membre de la à la doctrine philoso-
société bénéficie économiquement des avantages de phique et sociale de
l’association; pratiquement, dans la mesure où chacun saint Thomas par un
a facilement accès à une part des richesses émanant pèlerinage à l'Oratoire
du fait de la vie en société — richesses matérielles, Saint-Joseph.
puisqu’il s’agit de l’ordre économique temporel. Le Révérend Père
La vie en société, surtout en société civilisée et P. Thomas Landry Thomas Landry, Domi-
bien ordonnée, permet, en effet, des richesses — non nicain, avait accepté l'invitation d'être avec
pas infinies comme celle d’ordre spirituel, mais quand
même immenses, qui seraient irréalisables par des eux. Après l'Evangile, il monta en chaire
êtres même intelligents vivant isolément. Irréalisables pour un court sermon, qu'il termina par ces
aussi, s’il n’y avait pas d’abord de la matière première, deux phrases :
créée gratuitement par Dieu pour toute l’humanité et «Qu'il fait bon d'être catholique quand
non pas seulement pour les individus admis à l’exploi- on est créditiste! Et qu'il fait bon d'être
ter. Irréalisables, encore, sans l’apport de connaissan- créditiste quand on est catholique!»
ces, de découvertes, de perfectionnements, accumu-
lés et transmis d’une génération à l’autre, grâce à la
vie en société. Réalisations qui sont bien plus un fruit «Faites, au contraire, que cette juste distribution
de cet héritage commun que de la minorité employée soit efficacement réalisée et de manière durable, et
à le mettre en rendement. Et c’est cet enrichissement, vous verrez un peuple, bien que disposant de biens
hérité plus que gagné, cet unearned increment (selon moins considérables, devenir et être économique-
l’expression de Douglas) auquel sont attitrés tous les ment sain».
membres de la société en tant que tels.
Cela est vrai à l’échelle d’une nation. Et cela est
Un organisme économique qui ne reconnaît pas vrai, à l’échelle internationale. Les obstacles, dans
ce titre, un organisme dont le mode de distribution de les deux cas, sont bien plus d’ordre financier que de
la richesse exclut des héritiers d’un enrichissement l’ordre des réalités. Même dans le cas des pays sous-
provenant de l’exploitation de cet héritage, est un développés, c’est le système financier des pays déve-
organisme économique injuste: il peut reconnaître le loppés, non pas des difficultés physiques de transport,
droit de travail, il ne reconnaît pas, celui du proprié- qui empêche de faire les pays pauvres obtenir les sur-
taire, de l’héritier. plus encombrants des pays riches, ainsi que des outils
Distribution fautive et des machines permettant aux pays sous-dévelop-
C’est le cas de l’organisme économique actuel. Il pés de pourvoir mieux eux-mêmes à leurs propres
peut souffrir de la paralysie de la production par des besoins.
entraves artificielles, des entraves purement finan- La preuve que les obstacles sont surtout d’ordre
cières. Mais il souffre surtout d’une distribution tou- financier, c’est que, quand il est question de venir au
jours conditionnée par un pouvoir d’achat insuffisant secours de ces populations mal pourvues, c’est au
ou incertain, lié à des règlements financiers mus par premier plan, de l’argent que l’on demande. Quêtes,
d’autres considérations que le souci de servir, par une sollicitations, «marches des milles (kilomètres) pour
philosophie ne tenant aucun compte de la personne des millions», etc. Quand l’argent vient, tout vient. Non
humaine. pas que l’argent soit une richesse réelle: il ne nourrit
A cause de cela, un pays peut paraître riche et ce- pas, n’habille pas, ne soigne pas, n’instruit pas; Mais il
pendant être en réalité pauvre, à cause d’une écono- permet toutes ces choses quand elles sont physique-
mie malsaine, comme l’a exprimé le Pape Pie XII dans ment réalisables. Il les permet ou les interdit, selon sa
son message de Pentecôte 1941: présence ou son absence. Et ceux qui conditionnent
«Si une telle juste distribution des biens n’était cette présence ou cette absence — les contrôleurs de
l’argent et du crédit — sont les maîtres des permis de
pas réalisée ou n’était qu’imparfaitement assurée, le vivre. Selon les mots de Pie XI:
vrai but de l’économie nationale ne serait pas atteint,
étant donné que, quelle que fût l’opulente abondance «Ils sont devenus les maîtres de nos vies, qu’ils
des biens disponibles, le peuple, n’étant pas appelé à tiennent entre leurs mains, si bien que sans leur per-
y participer, ne serait pas riche, mais pauvre. mission nul ne peut respirer.»
12 VERS DEMAIN août-septembre 2019 www.versdemain.org