6
www.versdemain.orgTiré à part gratuit de la revue Vers Demain
Sainte Soeur Faustine Kowalska
Apôtre de la Miséricorde divine
par
Dom Antoine-Marie, o.s.b.
La confiance en la Miséricorde de Dieu est
particulièrement nécessaire de nos jours, dans un
monde qui se distingue par des réussites scien-
tifiques et techniques, mais qui, dans le même
temps, est marqué par une profonde crise mo-
rale; le Cardinal A. Rouco Varela, archevêque de
Madrid, déclarait au synode des évêques d’Eu-
rope, le 8 octobre 1999: «
Hors de Jésus-Christ,
nous ne savons pas ce que sont réellement Dieu,
la vie, la mort ou nous-mêmes. Il n’est pas éton-
nant qu’une culture sans Dieu finisse par devenir
aussi une culture sans espérance, parce que seu-
lement en Lui, qui est l’Amour éternel et créa-
teur, le coeur de l’homme trouve son origine et
sa fin véritable».
Un message pour le monde
À ce monde en détresse, Jésus-Christ a voulu
rappeler l’amour de son Coeur miséricordieux,
par la voix d’une femme modeste, inconnue, qui
accomplissait les fonctions de cuisinière, de jardi-
nière et de portière de son couvent. Il lui adressa
ces paroles à la fois étonnantes et réconfortan-
tes: «
Je t’envoie, avec ma Miséricorde, à toute
l’humanité. Je ne veux pas punir l’humanité qui
souffre, mais je veux la guérir, la serrer contre
mon Coeur miséricordieux... Parle au monde en-
tier de ma Miséricorde»
. Cette humble religieuse,
soeur Faustine Kowalska, a été canonisée le 30
avril 2000, par le Pape Jean-Paul II.
Hélène Kowalska, troisième de dix enfants,
est née le 25 août 1905, à Glogow (Pologne). Vive,
primesautière, gaie comme un pinson, Hélène
s’amuse tout comme les autres enfants du village.
À sept ans, Dieu l’appelle par son nom: «Pour la
première fois, écrira-t-elle plus tard, j’entendis
distinctement la voix de Dieu dans mon âme,
m’invitant à la vie parfaite. Cependant je ne lui fus
pas toujours docile» (Petit Journal). À l’école, elle
se distingue par son intelligence. Bientôt cepen-
dant, on a besoin de son aide à la maison, et, dès
neuf ans et demi, elle troque son cabas d’écolière
contre une houlette de pastourelle. À 14 ans, Hé-
lène part travailler dans une ferme du voisinage.
Après une année de service dévoué, aimable et
consciencieux, elle déclare à sa mère: «Maman, je
dois devenir religieuse ! » La réponse est un «non»
catégorique. Les Kowalski ne peuvent assurer les
frais de constitution d’un trousseau, nécessaire, à
l’époque, pour entrer au couvent. Hélène reprend
du service, dans la ville de Lodz. Lorsqu’elle at-
teint ses 18 ans, la jeune fille supplie à nouveau
ses parents de lui permettre de réaliser sa voca-
tion. Même refus.
«Lorsque mes parents m’eurent interdit d’en-
trer au couvent, écrira-t-elle, j’essayais de me
distraire avec des bagatelles en faisant la sourde
oreille à la voix de la grâce... j’évitais Dieu et je
m’inclinais vers les créatures. Cependant, la grâce
triompha. Un jour, j’étais au bal avec ma soeur. La
fête battait son plein, mais mon âme souffrait d’un
étrange malaise.
Lorsque je me mis à danser, tout d’un coup,
j’aperçus Jésus auprès de moi. Dépouillé, torturé,
couvert de blessures… Il me dit:
«Combien de
temps te souffrirai-je encore? Jusqu’à quand me
feras-tu attendre?»
Aussitôt, il se fit un grand si-
lence, je n’entendis plus la musique, et la joyeuse
compagnie disparut à mes yeux. Il n’y avait que
Jésus et moi. Je m’assis auprès de ma soeur, pré-
textant une migraine. Au bout d’un instant, en
cachette, je quittai la salle et je courus à la cathé-
drale Saint-Stanislas Kostka. Le jour commençait
à poindre et il y avait peu de monde. Sans me
soucier de mon entourage, je me prosternai la
face contre terre devant le Très Saint-Sacrement
et je demandai ce que, maintenant, je devais faire.
J’entendis ces paroles:
«Va à Varsovie, là-bas tu
entreras au couvent»
. Je me levai sur-le-champ...
réglai comme je pus mes affaires... et, tout de sui-
te, avec juste une robe sur mon dos et sans rien
emporter, je pris le train pour Varsovie».
Là, un peu désorientée, elle s’adresse à un
prêtre qui la réconforte et la place comme servan-
te chez une dame très pieuse, jusqu’à ce qu’elle
soit reçue dans la Congrégation de Notre-Dame
de la Miséricorde. Cette Congrégation, fondée par
Mère Thérèse Rondeau (1793-1866), une françai-
se, aide les femmes et les jeunes filles tombées
dans une vie de péché à retourner sur le bon che-
min, et éduque des jeunes filles qui ont besoin
d’une protection spéciale pour éviter les dangers
de ce monde. Dans chaque couvent, on distingue
trois catégories de personnes: les directrices, les
coadjutrices et les pensionnaires. Hélène est ad-
mise parmi les coadjutrices, qui s’occupent des
travaux matériels de la maison.
«Qui T’afflige ainsi ?»
Heureuse d’abord, la postulante est bientôt
déçue: elle est tout absorbée par les travaux ma-
nuels et n’a que peu de temps pour la prière, la
méditation, le coeur à coeur avec Jésus. «Au bout
de trois semaines, écrit-elle, je décidai d’entrer
dans un couvent plus austère. Cette pensée s’an-
cra si profondément dans mon esprit qu’un beau
jour je fus bien résolue à partir... Rentrée dans
ma cellule, je me prosternai la face contre terre
et suppliai Dieu de me montrer sa volonté... Tout
d’un coup, il se fit une grande lumière. Sur le fond
de mon rideau, je vis la Sainte Face exprimant une
indicible douleur, couverte de plaies et avec de
grosses larmes qui tombaient sur la couverture de
mon lit. Bouleversée, je dis: «Mon Jésus, qui donc
T’afflige ainsi ?» Il me répondit:
«Toi, si tu pars:
ici je t’ai appelée, ici je te prépare de grandes
grâces»
... Depuis ce jour, je me sens heureuse et
contente». Apaisée, Hélène s’applique à vivre son
idéal d’union à Dieu, avec ses poêles et ses casse-
roles, en bêchant au jardin ou en vendant du pain
dans le va-et-vient de la porterie.
Admise à la prise d’habit le 30 avril 1926, elle
prend le nom de soeur Faustine. Mais bientôt
commence pour elle une lourde épreuve: «Dès
la fin de la première année de mon noviciat, une
obscurité de plus en plus épaisse commença à
envahir mon âme, écrit-elle. Mon esprit devint
opaque, les vérités de la foi me semblaient absur-
des. Lorsqu’on me parlait de Dieu, mon coeur
était comme une pierre, incapable du moindre
acte d’amour ! Dans la prière, je ne trouvais aucu-
ne consolation... Souvent pendant la Messe tout
entière, je ne faisais que lutter contre des blasphè-
mes qui se pressaient sur mes lèvres... Lorsque le
prêtre m’expliquait que c’étaient des épreuves et
que, dans cet état, je n’offensais pas Dieu, mais
qu’au contraire c’était un signe que Dieu m’aimait,
je n’y trouvais aucune consolation, il me semblait
que ces paroles ne me concernaient pas...
«Je me prosternais alors devant le Saint-Sa-
crement et je répétais ces mots: “Même si tu me
tues, j’aurai confiance en Toi ! ” L’acuité de l’épreu-
ve, qui durera deux ans et demi, est à la mesure
de la mission qui va être confiée à soeur Faustine.
Celle qui doit rappeler à un monde souvent en
proie à l’angoisse, la confiance en l’infinie Miséri-
corde, a connu tous les degrés de la tentation du
désespoir.
Le 22 février 1931, Notre-Seigneur lui appa-
raît, revêtu d’un grand vêtement blanc, une main
levée en un geste d’absolution et l’autre posée à
l’emplacement de son divin Coeur. De sa robe en-
trouverte sur le Coeur, sortent deux faisceaux de
rayons, l’un rouge et l’autre blanc. «En silence je
contemplais le Seigneur, écrit-elle, mon âme était
remplie de crainte, mais aussi d’une grande joie.
Au bout d’un moment, le Seigneur Jésus me dit:
“
Peins une image pareille à ce modèle et signe:
Jésus, j’ai confiance en Toi. Je désire que cette
image soit vénérée tout d’abord dans votre cha-
pelle, puis dans le monde entier. Je promets à
ceux qui la vénéreront qu’ils ne périront pas. Je
leur promets dès ce monde la victoire sur l’en-
nemi, mais surtout à l’heure de la mort. Je les
défendrai Moi-même, comme ma gloire”».
Soeur Faustine s’ouvre à son confesseur de
cette vision. Le prêtre n’y accorde pas beaucoup
d’attention. Au fil des mois, les ordres du Seigneur
se précisent et deviennent plus pressants:
«Je
veux que les prêtres proclament ma très grande
Miséricorde. Je veux que les pécheurs m’appro-
chent sans crainte d’aucune sorte ! Les flammes
de ma Miséricorde me consument. Aucun péché,
fût-il un abîme d’abjection, n’épuisera ma Miséri-
corde, car plus on y puise et plus elle augmente.
C’est pour les pécheurs que je suis descendu
sur cette terre et que j’ai versé tout mon sang.
Pour châtier, j’ai toute l’éternité: maintenant, je
prolonge le temps de la Miséricorde. Mon Coeur
souffre, car même les âmes consacrées ignorent
ma Miséricorde et me traitent avec méfiance.
Combien le manque de confiance me blesse !»
«Vois qui tu as épousé !»
La nouvelle des visions de soeur Faustine se
répand dans son couvent, et, bien que sa vie soit
exemplaire, les contradictions pleuvent. «Tout
était encore supportable, écrit-elle, jusqu’au jour
où le Seigneur m’ordonna de peindre cette image.
À partir de ce moment, on se mit à me considérer
comme une hystérique et une hallucinée, et les
jugements pleuvaient drus». Pendant deux ans,
aucun prêtre n’ose se prononcer clairement sur
ses révélations. Enfin, pendant sa retraite de pro-
fession perpétuelle, en avril 1933, le prédicateur,
un homme spirituel, lui dit: «Ma Soeur, vous vous
méfiez du Seigneur Jésus parce qu’Il vous traite si
intimement, n’est-ce pas? Soyez bien tranquille.
Jésus est votre Maître et vos rapports avec Lui
ne sont ni de l’hystérie, ni des rêves, ni de l’illu-
sion. Sachez que vous êtes dans un bon chemin.
Tâchez d’être bien fidèle à tant de grâces». Aussi-
Sainte Faustine Kowalska (1905-1938)
Vision du 22 février 1931