Page 31 - Une lumière sur mon chemin - Louis Even
P. 31

2. La monopolisation de l’argent         29

                       Des hommes avides de gain

            Presque dès le début de l’encyclique de Léon XIII, deux phrases
        qui se rapportent certainement à cette voracité de l’argent, nous
        laissent sous une certaine curiosité par l’emploi d’une expression
        non précisée et qui ne revient pas dans le reste du document. Léon
        XIII écrivait: «Une usure dévorante est venue s’ajouter encore au
        mal. Condamnée à plusieurs reprises par le jugement de l’Égli-
        se, elle n’a cessé d’être pratiquée, sous une autre forme, par des
        hommes avides de gain et d’une insatiable cupidité.»
            Qu’est-ce que cette usure dévorante sous une autre forme? En
        quoi consiste cette nouvelle forme d’usure qui est venue s’ajouter à
        l’oppression des travailleurs?
            L’Église avait longtemps considéré comme usure tout intérêt
        réclamé par un prêteur d’argent, même à un taux très minime d’in-
        térêt, c’était condamné comme usure. Puis, une fois l’intérêt toléré,
        c’est le taux trop élevé qui s’appela «usure». Au temps de Rerum
        Novarum, 5 pour cent était la limite maximum tolérée par l’Église;
        au-delà, c’était de l’usure.
            Mais voici que  Léon XIII  parle  d’une  usure «sous une autre
        forme»; cela ne veut-il pas dire: sous une autre forme qu’un taux
        d’intérêt trop élevé? Qu’était donc cette nouvelle forme d’usure?
        Le Pape ne la définit pas, ni dans ce passage, ni dans le reste de
        l’encyclique.

                         Le monopole de l’argent
            Un prêtre anglais, l’abbé Drinkwater, a écrit en 1935, un livre
        dans lequel il rappelle cette phrase de  Rerum Novarum. Selon
        l’abbé Drinkwater, «l’usure dévorante sous une forme nouvelle»,
        c’était le monopole du crédit, qui allait, de plus en plus, devenir
        un monopole de l’argent, de tout l’argent moderne, mais dont la
        nature et le jeu, à cette époque, étaient encore mystérieux pour
        presque tous les profanes. Mais, si elle fut mentionnée par le Pape,
        il en connaissait au moins l’existence; pourquoi n’a-t-il pas dit de
        quoi il s’agissait?
            L’abbé Drinkwater rapporte à ce sujet, qu’un comité d’études,
        siégeant  à l’Université de Fribourg, avait  préparé des éléments
        pour la rédaction de Rerum Novarum. Parmi les membres de ce
        comité, dit-il, il s’en trouvait au moins un, un Autrichien, bien au
        courant de la question monétaire et du crédit bancaire. Un texte
        préparé par lui fut apparemment approuvé par le comité. Il devait
   26   27   28   29   30   31   32   33   34   35   36