Page 20 - Vers Demain mars 2024
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u      Quand nous apprenons que le bon papa, Pierre
        Even, est décédé en 1897, l’année suivante, on peut
        facilement imaginer le contenu du secret. La mère
        devait suivre au Ciel son époux et Marie-Sainte trois
        ans plus tard en 1900.
            Un autre frère de Louis Even, Émile, en religion
        Frère Barthélémy chez les Montfortains, est lui aus-
        si mort en odeur de sainteté à l’âge de 24 ans, en
        1905. Sa sœur Françoise, entrée chez les Augustines
        (Sœurs Hospitalières de saint Augustin) sous le nom
        de Sœur Ste-Geneviève, mourut novice, mais fit ses
        vœux de religieuse à l’hôpital sur son lit de mort.
            Louis Even, alors jeune juvéniste, souffrait d’une
        infirmité dont on ne s’était pas aperçu. Il était sourd.
        Un jour, le maître, le croyant têtu parce qu’il n’exécu-
        tait pas un ordre donné lui administra un solide coup
        de pied, qui le fit tressaillir. Le pauvre enfant se plai-
        gnit de ne pas avoir compris. On se rendit compte
        alors de sa surdité. Ce qui mit sa vocation en cause,
        la surdité étant un gros handicap pour un Frère ensei-
        gnant.
            On parlait de le renvoyer. Cela lui fit beaucoup de
        peine. Mais comme il était très intelligent, studieux
        et d’une piété exemplaire, on résolut d’entreprendre
        une neuvaine à l’Enfant-Jésus de Prague pour obtenir
        sa guérison. La neuvaine terminée, il y eut une amé-
        lioration suffisante, et les supérieurs décidèrent de
        le garder. On comprend maintenant pourquoi Louis
        Even a conservé toute sa vie une grande dévotion
        à l’Enfant-Jésus de Prague, se souvenant de la pro-     Cinq des six volontaires pour la mission aux
        messe: «Plus tu m’honoreras, plus Je te comblerai».     États-Unis, Louis Even (Frère Amaury-Joseph)
            Le 2 février 1901, en la fête de la Purification de   est le premier à gauche, rangée du haut.
        Marie, Louis-Marie Even entra au noviciat de Ploërmel.   tale, les Frères décidèrent d’envoyer leurs meilleurs
        Il y reçut le saint habit et le nom de Frère Amaury-Jo-  sujets en mission.
        seph. Il prononça ses premiers vœux le 2 février 1902.   Louis  Even,  qui  avait  une  âme  d’apôtre,  aurait
                              L’exil                         voulu se voir envoyer dans les missions africaines.
            Cependant  l’orage  qui,  depuis  longtemps  déjà,   Mais comme il avait de la facilité à apprendre l’an-
        assombrissait en France l’horizon politique, venait   glais, on le destina aux missions amérindiennes des
        d’éclater avec violence, détruisant ou dispersant du   Etats-Unis d’Amérique.
        même coup toutes les congrégations religieuses.          Louis Even venait de terminer ses études quand le
        Celles-ci, menacées par la loi Combes du premier     Père de la Motte, Provincial des Jésuites aux Monta-
        juillet 1901, sur le contrat d’association, avaient vu   gnes Rocheuses, fit une visite à Ploërmel, en août 1902.
        le parlement rejeter en bloc toutes leurs demandes   Il désirait obtenir des Frêres pour les écoles des tribus
        d’association. En 1903, le révérend Frère Abel de    amérindiennes dans le Nord-Ouest des Etats-Unis. La
        l’Instruction Chrétienne recevait notification officielle   loi interdisant l’enseignement aux congrégations reli-
        de la dissolution de l’Institut.                     gieuses venait d’être votée par le Parlement français
            Il était interdit désormais aux Frères d’enseigner   en juillet. Les Frères, chassés de France, seraient dis-
        et de porter l’habit religieux en France. Ceux qui ré-  ponibles pour les pays étrangers. Un premier groupe
        sistèrent furent chassés, et leurs maisons détruites   de six volontaires fut formé. Louis Even en était.
        ou pillées. Pour plusieurs des Frères, ce fut la sécu-   Louis Even quitta sa chère France pour l’Améri-
        larisation. Le jeune frère de Louis Even, Léon, était   que en février 1903 (pour n’y revenir que 65 ans plus
        aussi à Ploërmel à ce moment. Comme il était très    tard en 1968, pour une courte tournée avec les autres
        jeune (14 ans), on le renvoya dans sa famille.       directeurs de Vers Demain.). Il n’avait que 17 ans. Les
            Mais pour les plus avancés dans la vie religieuse   voyages en bateau étaient pénibles dans le temps, ils
        et les plus fervents qui décidèrent de rester religieux,   duraient près d’un mois. Il n’y avait aucune commo-
        ce fut l’exil. Voyant venir l’orage avant la débâcle to-  dité.

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