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avec goût un petit oratoire installé dans sa maison: la
tertiaire franciscaine sait que la beauté de la Création
est un chemin qui conduit à Dieu.
Marguerite Bays a un soin particulier des pauvres
et des malades. Les indigents sont assidus à venir la
solliciter, et ils ne la quittent jamais les mains vides.
Elle rend visite aux pauvres, leur apportant habits
neufs et vivres. Gardant en sa mémoire la figure du
Christ qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour
nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9), elle s'appli-
que à suivre Jésus dans son humilité et sa pauvreté, L’abbaye cistercienne de la Fille-Dieu
à vivre du strict nécessaire et à donner aux pauvres le
meilleur d'elle-même. Elle les aide aussi à se rappro- pour lui laisser une entière liberté, mais le jour ou Al-
cher du Seigneur, comme elle fait pour Louise Cosan- phonsine lui apprend sa décision de devenir moniale,
dey des Combes, une infirme avec laquelle elle a de elle ne peut s'empêcher de s'exclamer: «Enfin, filleule!
nombreux colloques spirituels. Je te tiens!»
«Allez de l’avant!» Devenue sœur Ludgarde, la novice reste très pro-
Marguerite est spirituellement proche d'un jeune che de sa marraine, à qui elle confie sa peine d'ignorer
prêtre de Fribourg, le chanoine Joseph Schorderet, le sort éternel de sa mère, décédée brutalement cinq
dont la vocation s'est décidée précisément au cours ans plus tôt, sans le secours des sacrements. Un jour
d'une visite à la chapelle Notre -Dame du Bois. Celui- de novembre 1867, Marguerite se présente à la porte-
ci entreprend un travail d'évangélisation, et fonde rie du monastère, demandant la permission d'entrer
dans ce but, en 1873, une congrégation religieuse, les en clôture, pour faire avec sœur Ludgarde un chemin
Sœurs de Saint-Paul, dont l'apostolat consistera à pu- de croix dans la salle du chapitre, où se trouvent des
blier des journaux et des livres catholiques. L'évêque tableaux représentant les différentes stations. On lui
de Fribourg, Mgr Marilley, se montre, au début, peu répond qu'une autorisation de l'évêque est requise.
favorable à cette initiative, car il se méfie des journaux Marguerite s'adresse alors directement au prélat et
et s'en tient au moyen traditionnel d'enseignement: la obtient de pouvoir réaliser son dessein. Un soir, elle
lecture en chaire par les curés des mandements épis- est admise au chapitre alors que les sœurs sont cou-
copaux, au cours de la Messe du dimanche. Mais ce chées, et pendant deux heures elle parcourt avec sa
moyen n'atteint pas les personnes qui ne vont plus filleule les quatorze stations du chemin de croix.
régulièrement à la Messe, et qui lisent assidûment les À l'issue de cet exercice, elle assure joyeusement
journaux anticléricaux. à soeur Ludgarde que sa mère est désormais au Ciel.
Le chanoine consulte Marguerite, qui, après avoir Marguerite, en ef-
prié, l'encourage à poursuivre son action: «Ne crai- fet, avait appris par
gnez rien, allez de I’avant, cette œuvre fera grand bien révélation que la
chez nous et sera particulièrement bénie de Dieu, car mère d'Alphonsine
elle correspond à sa volonté.» Le prêtre se rend alors resterait en pur-
à Rome où il obtient une audience du Pape Pie IX, qui gatoire jusqu'a ce
bénit son projet. Indisposé, Mgr Marilley humilie pu- que celle-ci ait fait
bliquement Marguerite au cours d'une visite pastorale, avec sa marraine
la laissant longtemps debout devant lui, et finissant ce chemin de croix
par lui dire, par allusion à ses trop nombreux visiteurs: à son intention.
«L'eau qui coule le plus bas sous terre est la meilleu- Dès lors, Margue-
re.» Ce rappel à l'humilité laisse planer un doute sur la rite est autorisée
pureté des intentions de Marguerite qui, grandement par Mgr Marilley à
affligée, garde le silence. Plus tard, l'évêque reconnaî- faire des séjours au
tra la sainteté de cette humble femme. milieu des sœurs:
elle n'en abuse pas,
Marguerite parcourt très souvent à pied les six mais en profite
kilomètres qui séparent sa maison de l'abbaye cister- pour participer à
cienne de la Fille- Dieu, à Romont. Sa filleule, Alphon- leur retraite annuel-
sine Menetrey, est entrée dans ce monastère en 1865, le. Les moniales lui
apparemment à la suite d'une pieuse inspiration de sa demandent parfois
marraine; celle-ci a fait voeu, le jour du baptême d'Al- des conseils, ce
phonsine en 1845, de prier tous les jours pour que sa qui trouble beau-
filleule soit appelée à suivre le Christ de plus près dans coup son humi- Marguerite méditant
la vie religieuse. Elle n'en a jamais parlé à la jeune fille lité: éclairée d'en le chemin de croix u
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