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«J’ai survécu à la mort, j’ai vu le paradis»


               Témoignage du Père Wiesław Nazaruk, O.M.I.



             par le Père Wiesław Nazaruk, O.M.I.                           Cliniquement mort
            Je suis un missionnaire des oblats de Marie Im-      Quelques années plus tard, un autre prêtre et moi
        maculée. En janvier 1991, je suis parti pour une mis-  avons pris de courtes vacances au Mexique, histoire de
        sion au Canada. J’y suis resté pendant 13 ans.       nous ressourcer. Nous étions dans une station balnéai-
            Les Amérindiens avec lesquels                                    re sur la côte. Un jour au petit matin,
        j’ai travaillé vivaient dans 5 lieux dif-                            je me suis promené le long de la pla-
        férents au Nord du Canada, disper-                                   ge pour réciter mon chapelet. La mer
        sés sur plus de 400 km. Il n’y avait                                 était calme. La surface de l’eau était
        qu’un seul missionnaire servant                                      lisse. Il n’y avait pas de vagues le
        dans cette région. C’est pourquoi                                    long de la plage! Au début, je n’avais
        les Amérindiens, pour pouvoir as-                                    pas l’intention de nager, mais après
        sister à la messe dominicale, devai-                                 un certain temps, j’ai décidé d’aller
        ent parcourir la distance en avion.                                  dans l’eau, ce qui était très agréable.
        Ils aiment tellement le Seigneur                                     Alors j’ai commencé à nager le long
        Dieu que, pour pouvoir participer à                                  du rivage. Je me suis retourné sur le
        la messe, se confesser et recevoir                                   dos et je me suis simplement étendu
        la  Sainte  Communion,  ils  s’y  ren-                               là. Quelques minutes passèrent…
        dent en avion.                                                       J’ai relevé la tête et remarqué que
            Les  Amérindiens  sont  par  na-                                 j’avais dérivé à bonne distance du ri-
                                                                             vage. Mais c’était encore si peu pro-
        ture  très religieux.  Je n’ai jamais                                fond que je n’étais pas inquiet: pas
        rencontré un seul Amérindien ou                                      de problème, je reviendrai dans peu
        Esquimau qui dirait qu’il ne croyait                                 de temps. Je me suis retourné et j’ai
        pas en Dieu. Pour ces gens simples,                                  commencé à nager en rampant vers
        ne pas croire en Dieu est tellement                                  le rivage. Mais je me sentais comme
        absurde qu’ils disent que c’est tout                                 si je m’éloignais encore. Alors j’ai
        simplement impossible et qu’il fau-                                  commencé  à  nager  plus  vite,  mais
        drait être exceptionnellement stu-                                   en vain. Je dérivais toujours dans la
        pide et aveugle pour dire qu’ils ne   Père Wiesław Nazaruk, O.M.I.   direction opposée!
        croient pas en Dieu. Comment est-il
        possible de ne pas croire en Dieu? C’est la chose la     À ce stade, la pensée m’est venue à l’esprit: «c’est
        plus évidente au monde. Toute la création nous parle   un  ressac!»  En  fait,  c’était  vraiment  un  ressac.  Je
        de Dieu: l’air, le soleil, la lune, chaque oiseau, cha-  n’avais pas remarqué les drapeaux rouges qui aver-
        que caillou. Chaque bruissement d’une feuille est la   tissaient de cela. L’eau le long du rivage semblait être
        preuve de la grandeur de Dieu.                       calme  –  c’est  exactement  pourquoi  c’était  si lisse,  à
            Après la première messe que j’ai célébrée parmi   cause du ressac. J’ai dérivé plus loin. À ce moment-là,
                                                             j’étais vraiment loin du rivage et l’idée me vint: «N’est-
        les Amérindiens, un certaine vieille Amérindienne    ce pas étrange que même pas un instant je n’éprouve
        maladive m’a expliqué sur quoi était fondée la sages-  la moindre crainte de me noyer ou de subir un mal
        se des Amérindiens: «Lorsque nous parlons à Dieu     quelconque!»
        et que nous écoutons Dieu, nous sommes sages et
        nous savons tout. Quand nous cessons de parler à         J’ai ressenti une paix intérieure. J’ai simplement
        Dieu et de l’écouter, alors nous devenons tous stupi-  essayé de conserver ma force et de respirer. J’étais
        des.» Cette femme n’avait pas besoin de ma sagesse.   profondément convaincu  que  quoi qu’il arrive,  cela
        En termes simples, elle m’a montré ce qu’elle atten-  ne mènera  pas à ma mort. J’étais  convaincu que
        dait de moi en tant que prêtre.                      quelqu’un  me remarquerait et me sauverait.  C’était
            Ces  mots  s’appliquent  à  nous  tous,  chrétiens.   vraiment  comme si quelqu’un  me disait ces mots à
                                                             l’intérieur de moi: «Ne crains rien». À ce moment-là,
        C’est l’attente de nombreux peuples du monde –       l’eau m’a tellement emporté que les vagues autour de
        beaucoup de cœurs qui attendent encore devraient     moi devenaient de plus en plus grosses.
        se montrer capables d’aimer et de prier, et partout où
        nous sommes, nous devrions être des signes de Dieu       J’ai  lentement dérivé dans la vaste étendue  de
        et des disciples du Christ. C’est pour que les autres   l’océan. Ce n’était pas une blague. J’étais à plusieurs
        personnes que nous pourrions rencontrer marchent     centaines  de  mètres  du  rivage.  Le  martèlement  des
        sur le bon chemin et s’améliorent.                   vagues me fouettait et je ne pouvais pas atteindre la u


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