Parmi les témoignages des nombreux évêques, prêtres et fidèles laïcs qui ont participé à notre semaine d’étude de mars dernier à Rougemont sur la démocratie économique, citons celui de Mgr Paul Nyaga, recteur de l’Université Catholique St-Jérôme de Douala au Cameroun:
Je voudrais en tout premier lieu remercier Dieu qui nous a offert à tous, et je dirais à moi en particulier, la grâce d’être ici. Je remercie mon archevêque, Mgr Samuel Kleda, qui est venu ici l’année dernière, au mois de mars et, dès qu’il est rentré, nous nous sommes rencontrés. Il m’a dit tout l’émerveillement de son coeur par rapport à ce qu’il avait vu et entendu ici. Il m’a aussi passé quelques documents d’information en demandant de tout faire pour que ces enseignements soient également transmis au sein de l’Université St-Jérôme. Donc, je suis là cette fois-ci, et j’en bénis le ciel.
Les jours passés ici ont été très agréables. Merci à tous les enseignants, et pour la qualité de l’accueil, de la liturgie, pour la qualité vestimentaire: j’ai été très heureux de voir des hommes et des femmes qui ne sont peut-être pas encore des consacrés selon les termes canoniques, dans un institut religieux mais qui ont compris qu’on est digne quand on s’habille de façon digne: des femmes avec des robes bien faites, et suffisamment longues et des hommes toujours corrects avec des vestes et cravates. C’est beau quand on est bien habillé, c’est agréable, et, je crois que Dieu aime cela. Nous vivons dans un monde où on a ce qu’on appelle au Cameroun, les «DVD», c’est-à-dire: «Dos et Ventre Dehors». Et on pense que c’est ça qui compte! Mais, quand on arrive ici, on voit comment les femmes sont habillées, c’est beau! Je dis merci au Seigneur pour cela.
Je suis venu ici avec un grand désir d’apprendre. Enseignant, j’enseigne, entre autres, la doctrine sociale de l’Église à saint Jérôme. Quand j’ai rencontré l’archevêque de Douala mon évêque, et qui m’a parlé du Crédit Social et des Pèlerins de saint Michel, je me suis dit qu’on ne pourrait pas, qu’on ne saurait pas enseigner la doctrine sociale sans penser à son application concrète. C’est pour cela que je suis arrivé ici avec un grand désir d’apprendre. Et j’ai beaucoup appris!
Avant de quitter ces lieux, je voudrais dire avec Jésus-Christ, et je le dis sincèrement, l’Esprit du Seigneur est sur moi. L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’Il m’envoie annoncer aux hommes et femmes qu’ils sont libres. Et notre monde a besoin de cette liberté.
Annoncer surtout aux pauvres. Qui sont ces pauvres? Ce sont des aveugles. Des aveugles par manque de connaissance. Plus d’une fois on nous a répété ici les paroles du prophète: «Mon peuple périt par manque de connaissance.» (Osée 4, 6.) Qui sont ces pauvres? Ce sont des captifs, c’est-à-dire tous ceux et celles qui sont encore sous le joug des systèmes politiques et économiques déshumanisants.
Chers Pèlerins de saint Michel, la monnaie de l’Afrique centrale ou de l’Afrique de l’ouest, s’appelle le franc CFA, c’est-à-dire le franc des colonies françaises d’Afrique. C’est le nom actuel de notre monnaie, et cela, 50 ans après les indépendances! Y a-t-il un signe plus évident de la permanence de la colonisation en Afrique? Si l’on admet que le pouvoir économique confère le pouvoir politique, alors on doit également admettre que le pouvoir monétaire confère le pouvoir politique. Voilà ce que j’ai appris ici!
La monnaie est, en d’autres termes, au coeur des économies modernes dont elle commande les mouvements. Or, l’Afrique, notre Afrique, auto-réprime le système économique. Notre Afrique bloque le développement, soit parce qu’elle n’a rien compris du pouvoir de la monnaie, soit parce qu’elle démissionne devant ses responsabilités régaliennes, monétaires, soit qu’elle les utilise comme pouvoir répressif pour nourrir des administrations répressives qu’il s’agisse de l’armée ou des technocrates.
Notre Afrique a donc besoin d’être libérée de l’actuelle tutelle économique machiavélique. Elle doit se réunir autour des intérêts qui sont les siens et non pas ceux des puissants financiers de ce monde. L’Afrique se fera par la monnaie, par sa monnaie, ou elle ne se fera pas! Telle est ma conviction. Raison pour laquelle je voudrais dire merci encore une fois, pour cette lumière libératrice et libéralisante qui nous a été donnée et, à la suite de tous les intervenants, nous prenons l’engagement de nous engager, excusez la tautologie, personnellement à tous les niveaux, sous la conduite de nos évêques. Mon évêque est à 100% pour le Crédit Social, et nous serons donc autour de nos pasteurs les évêques, nous serons avec eux pour ce monde meilleur que le Seigneur veut pour tous et non pas uniquement pour quelques-uns.
Je dis enfin merci pour les outils reçus. Nous nous mettons sous la protection de saint Michel, du Coeur immaculé de la Vierge Marie, de tous les saints pour que le travail que nous allons faire soit pour la gloire de Dieu, pour le relèvement de notre Afrique et pour notre propre sanctification!
Mgr Paul Nyaga