Le premier ministre Viktor Orban |
L’Europe doit revenir au christianisme avant que toute régénération économique soit possible, a déclaré M. Viktor Orban, premier ministre de la Hongrie, lors d’une conférence à l’Université Saint-Paul de Madrid le 17 novembre 2012. La conférence était organisée par le 14e Congrès des catholiques et la vie publique sous le thème «L’espérance et la réponse chrétienne à la crise.» Nous tenons à féliciter le premier ministre Orban, qui n’a pas honte de défendre la justice et les principes chrétiens. Voici des extraits de son discours:
Nous, Hongrois, comprenons la douleur que les Espagnols ressentent aujourd’hui, et nous comprenons le dur combat du gouvernement espagnol contre cette situation économique difficile dont il a hérité. Nous comprenons la déception, la colère et l’impatience du peuple espagnol, car nous avons connu, et connaissons encore, les mêmes conditions en Hongrie.
Tout comme les Hongrois, les Espagnols sont des gens qui apprécient la liberté, qui regardent leur histoire passée avec fierté, et qui ne permettront pas que le travail accompli par leurs grands-pères, pour rebâtir leur patrie après la guerre civile, soit menacé une fois de plus par des bureaucrates et des spéculateurs financiers. Toute une série de manifestations et de grèves dans tout le continent européen montrent que partout les gens sont à la recherche de la réponse à la question suivante: comment sommes-nous devenus endettés jusqu’au cou? Pourquoi souffrons-nous de tels problèmes qui détruisent la vie de millions de familles?
Nous pouvons lire dans le livre d’Ézéchiel, que si le soldat de garde voit l’ennemi armé s’approcher mais ne souffle pas dans sa trompette pour avertir son peuple, alors Dieu le tiendra responsable des vies humaines qui auront été perdues.
À mon avis, Dieu a confié aux chefs religieux et civils la mission d’être ces soldats de garde, et cette mission comprend aussi les politiciens. C’est donc en ayant pleine connaissance de notre responsabilité que nous devons proclamer que la crise financière et économique qui sévit présentement en Europe n’est pas un événement accidentel que quelques technocrates doués pourront corriger. La crise actuelle en Europe est le résultat d’un processus de décomposition qui existe depuis un certain temps sur le continent.
Je pense que nous devons prendre la parole et dire que dans l’Europe d’aujourd’hui, les formes et les configurations de la cohabitation humaine, comme la nation et la famille sont ouvertement remises en question. On a perdu le véritable sens du travail, du crédit, de la famille et de la nation, car ils ont été séparés des fondements moraux du christianisme...
Robert Schuman, un des pères fondateurs de l’idée d’une Europe unie, a dit que l’Europe sera ou bien chrétienne ou bien elle n’existera pas. Pourtant, aujourd’hui, nous avons atteint le point où la majorité des politiciens européens travaillent, et font tout en leur pouvoir, pour que le christianisme soit chassé de la vie privée des gens, des églises et des livres d’histoire.
Si un pays islamique commençait à avoir honte de lui-même en raison des enseignements du Coran, cela provoquerait, avec raison, la colère des autres pays islamiques... En revanche, en Europe, je vois tous les jours que c’est plutôt ceux qui veulent penser et se comporter selon les valeurs du christianisme dans la vie politique et sociale qui font face à l’incompréhension ....
En fin de compte, je dois dire que le vieillissement de l’Europe qui désavoue ses racines chrétiennes, et cela inclut la Hongrie, ressemble à la parabole bien connue de l’Évangile de l’homme qui a bâti sa maison sur le sable. Les torrents sont venus, ont frappé la maison et l’édifice s’est retrouvé sur le point de s’effondrer.
Cette faiblesse de l’Europe est due à la crise des familles, des communautés et de la nation qui, dans les premiers stades du capitalisme, ont justement été ce qui a fait le succès de l’Europe. Ils avaient amené l’Europe à un tel niveau dominant à l’échelle mondiale justement parce que, à cette époque, ils faisaient partie intégrante d’un système de morale chrétienne: dans le commerce, l’économie, la famille et la nation même.
Je tiens à souligner un seul point pour vous montrer ce que je veux dire. C’est la question du crédit. Dans l’Ancien Testament, le mot usure, prêteur d’argent, signifiait mordre une autre personne, comme un serpent. On comprend pourquoi l’Église catholique avait décrété une interdiction de percevoir des intérêts sur les prêts; elle voulait protéger les gens contre la barbarie des prêteurs d’argent. Après la Réforme protestante, la position sur la perception des intérêts a changé...
Si l’on regarde la liste des pays endettés d’Europe, nous voyons que les prêts dont nos pays souffrent n’ont plus aucun rapport avec quelque principe moral que ce soit. Les conditions pour recevoir un prêt aujourd’hui sont telles qu’elles mettent en péril la souveraineté de la nation, et les prêteurs forcent les gouvernements à enlever de l’argent aux gens à qui ils devraient le donner.
C’est ma ferme conviction qu’une Europe qui représente les valeurs chrétiennes n’aurait peut-être pas permis aux gens de gaspiller l’avenir de leurs familles en s’engageant dans des emprunts irresponsables. En Hongrie, c’est ce qui est arrivé à un million de familles... Une Europe commune qui représente les valeurs chrétiennes n’aurait peut-être jamais permis à certains pays de tomber dans l’esclavage de la dette. Il s’agit d’une question importante pour la nation espagnole. Ce n’est pas mon affaire, je suis responsable de la Hongrie, mais je tiens à vous avertir que l’Espagne est très près de tomber dans l’esclavage de la dette. Un pays peut être conquis de deux manières: soit par l’épée, soit par la dette; c’est quelque chose que nous ne devrions jamais oublier. Et enfin, une Europe qui représente les valeurs chrétiennes aurait peut-être, au lieu de la politique actuelle, encouragé une politique qui redistribue de façon plus juste les fardeaux de la crise économique actuelle.
La Vierge Marie recevant saint Étienne de Hongrie au Paradis, tableau de Scarsellino (1550-1620) |
Si aujourd’hui en Europe un gouvernement est obligé d’emprunter d’une organisation européenne ou internationale, ce gouvernement devra introduire des mesures telles qu’elles le feront perdre sa crédibilité aux yeux de son propre électorat...
Comme le dit l’Écriture sainte: «Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont transpercé l’âme de tourments sans nombre.» (1 Timothée 6,10.) La crise morale peut également être reconnue dans le cas des dirigeants qui, professant une philosophie de «mangeons et buvons, car demain nous mourrons», ou enfin «demain nous ne serons pas dans le gouvernement», ont été capables de jeter des pays entiers dans la dette. Cela entraîne aussi des questions de grave responsabilité personnelle.
Bien que nous puissions sembler être une minorité, nous sommes nombreux, en Europe, à avoir comme but commun de construire l’Europe une fois de plus sur les fondations solides du christianisme... La Hongrie suit cette voie depuis 2010. Nous avons créé une nouvelle Loi fondamentale, le premier chapitre de ce que nous avons appelé le Credo national. C’est l’essence même de la constitution, son cadre spirituel, son épine dorsale. La première ligne de la nouvelle Constitution hongroise commence par ces mots: «Seigneur, bénissez le peuple hongrois!» C’est aussi la première ligne de notre prière nationale. Le premier mot de la Constitution hongroise est «Dieu».
La Hongrie est un pays dont le premier roi s’appelait saint Étienne, il y a environ mille ans. Après le décès de son unique enfant, il a offert la couronne de Hongrie à la Vierge Marie. Nous considérons la Hongrie comme un pays que notre premier roi a offert à la Vierge Marie. C’est un fait important. Il n’a pas offert à une puissance étrangère, il n’a pas offert à une institution financière, mais à Marie. Cela se reflète dans la Constitution.
L’une des raisons pour lesquelles nous avons élaboré une constitution de ce genre, c’est que nous sentions que nous devons faire face contre les forces et tendances politiques et intellectuelles européennes qui visent à saper
la culture chrétienne, la civilisation chrétienne et les valeurs chrétiennes. Nous savions que cela se traduirait par des conflits. Les forces européennes qui souhaitent saper la force du christianisme sont des forces puissantes et bien organisées. Elles sont un facteur important au sein de l’Europe. Ne nous faisons pas d’illusions, il est préférable de faire face à la vérité. Mais je suis convaincu que si nous n’entrons pas en conflit avec eux, ils nous élimineront de la vie publique européenne et de la vie publique nationale. Pour cette raison, la Hongrie a décidé qu’elle ferait face à ce conflit. Nous reconnaissons le pouvoir du christianisme à préserver la nation. C’est justement cela qui cause le plus grand conflit.
L’Europe s’oriente vers un état où le religieux deviendra irreligieux, où ce qui est national cédera la place à des formations qui sont supra-nationales, et où les familles seront remplacées par des individus. Ils appellent cela le progrès. Il s’agit de la tendance dominante intellectuelle dans les politiques européennes aujourd’hui.
Notre «péché», que nous avons bien sûr assumé avec fierté, c’est que dans le 21ème siècle, nous avons osé inclure dans notre Constitution le fait que la foi, l’Église, la nation et la famille, n’appartiennent pas à notre passé, mais à notre avenir. C’est la raison de l’énorme attaque, à travers toute l’Europe, contre la Constitution hongroise et ses créateurs.
Viktor Orban