Dans l'Action Catholique du 19 août, M. Eugène L'Heureux rappelle fort justement que la fin prochaine et propre de toute société civile, c'est le bien temporel public.
"La fin de la politique, écrit M. L'Heureux, ce n'est donc ni la gloire des conquérants et des potentats, ni le grossissement de certaines fortunes au détriment du bien général, ni le cirque des débats électoraux tels que nous les entendons trop souvent, ni l'invasion périodique du fonctionnarisme par les amis politiques en curée après les élections, ni le gagne-pain des politiciens, mais le bien temporel public selon la conception chrétienne."
Le joli bourbier où un siècle et demi de libéralisme a plongé l'humanité, a ouvert les yeux d'un grand nombre. Pas de tous. Pas des profiteurs ni des parasites. Mais les pays qui n'ont pas encore liquidé l'ordre ancien s'ébranlent ou promettent un ordre nouveau au moins après la guerre.
Les erreurs commises par les premières nations qui ont osé entreprendre la construction d'un édifice plus social n'excusent point du tout les carences des démocraties retardataires. La perpétuation injustifiable et barbare de la misère en face d'une abondance arrêtée par des règlements absurdes reste un crime social déshonorant.
D'ailleurs, dans les introductions les plus hérétiques, on découvre une part de fondé, de vrai. Même les communistes, qui furent les premiers à se révolter contre l'affamation de la multitude, ne nous rappellent-ils pas la loi oubliée de l'usus communis. Les biens de la terre furent créés par Dieu pour l'espèce humaine, donc pour tous les hommes, pas pour quelques-uns seulement. Chaque homme, par son seul titre de membre de l'espèce humaine, a droit à une part des richesses terrestres, et cette part doit être suffisante pour lui assurer une honnête subsistance.
Le monde déchristianisé n'écoutait plus ni les enseignements des Pères de l'Église des siècles passés, ni ceux des papes modernes. Il a fallu la révolution rouge pour lui crier ces simples vérités dans les oreilles.
L'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal - et combien d'autres pays européens - ont plus ou moins récemment, eux aussi, pris des chemins nouveaux. Dans tous, on voit les chefs d'État assumer dictatorialement, violemment même, leurs responsabilités envers la nation.
Nous ne prisons guère ces méthodes dans les pays démocratiques, mais combien sont las de voir parlements après parlements, sessions après sessions, ne rien nous apporter que des restrictions nouvelles, des charges plus lourdes, une prospérité temporelle MOINS commune !
Au lieu donc de tout condamner chez ceux qui ont l'audace de tenter des expériences nouvelles, inspirées par l'intérêt qu'ils portent à leur peuple, voyons plutôt s'il n'y a pas quelque chose d'utile à tirer de leurs innovations en l'adaptant à notre philosophie.
C'est donc dans cet esprit que nous présentons aux lecteurs de VERS DEMAIN les réflexions suivantes, extraites d'un article intitulé "Grandeur de la doctrine de l'État national-socialiste", par François Perroux, professeur à la Faculté de droit de Lyon (France), publié dans "La Vie Intellectuelle" du 25 janvier 1937, donc lorsque la France était libre et alors que l'expérience allemande se dessinait fortement. On remarquera que l'auteur n'approuve point du tout le credo nazi mais qu'il essaie d'en extraire la part de vérité.
"Quoi qu'en puissent penser les critiques superficiels, la doctrine nationale-socialiste de l'État contient des éléments utilisables et apporte une contribution qu'il serait sot de négliger à un tournant de la civilisation où nous ne nous sauverons que par les audaces coalisées de la pensée et des réalisations.
"Comme toutes les grandes hérésies, elle a un contenu positif qui explique son prestige et son succès.
"La notion même de politique s'est étiolée et avilie dans plusieurs démocraties historiques. Trop souvent la politique s'y réduit à des manœuvres de masses électorales, à des combinaisons de couloirs, à des palabres de parlements. Cessant d'être vocation, elle est devenue métier. Représentant et électeur ne lui donnent qu'une partie d'eux-mêmes. On la méprise un peu, en la redoutant. Elle est tenue pour un sport où tous les coups sont bons. Elle tend à devenir le lieu géométrique des ambitions personnelles et des appétits de groupes.
"À cette politique politicienne le national-socialisme oppose, en thèse du moins, la Politique, celle dont Gœthe disait que tout esprit d'envergure a dû à quelque moment de son âge, s'occuper. C'est bien cet art majeur d'invention et d'organisation des Cités que l'on veut pratiquer outre-Rhin. Il engage l'homme tout entier. Il requiert du chef un dévouement sans réserve et lui propose une conception quasi sacerdotale de l'exercice du commandement. Il a pour objet de donner aux hommes et aux nations une certaine idée d'eux-mêmes, et non de les divertir par des exercices de rhéteurs et par des jeux de cirque.
"Cette politique, si le national-socialisme ne la réalise pas - - mais où donc l'a-t-on trouvée parfaitement accomplie ? - - du moins en restaure-t-il doctrinalement les droits. Ce faisant, il renoue, non sans noblesse, avec les grandes traditions platoniciennes et médiévales."