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La réforme des moeurs

le mardi, 01 mars 1994. Dans Débats de société

Quand on parle de la nécessité de réfor­mer notre système économique afin qu'il y ait un minimum de justice, beaucoup de bons catholiques nous disent qu'ils ne voient rien de mal dans le système actuel. Mais si on leur prouve, par des arguments irréfuta­bles, que le système est injuste et nous con­duit à l'esclavage, ils nous disent :

"Oui, c'est vrai. Mais il faut com­mencer par la réforme des mœurs."

Oui, gens distingués, vous avez mille fois raison. Ce qu'il faut c'est la réforme des mœurs. Pas la réforme des mœurs des au­tres mais bien la réforme de nos mœurs. Car, je le dis sans ambages, nos mœurs sont abominables.

Prenez un troupeau de cochons avec plu­sieurs petits cochons, plus encore de cochons moyens et quelques gros verrats et truies surrannées, cochons distingués quoi. Si quel­qu'un maltraite un des petits cochons, les cochons distingués viennent aussitôt à sa défense. Tandis que nous, nous laissons faire un système injuste qui vole au petit et au faible la part de l'héritage culturel et technologique qui lui revient de droit et qui lui permettrait de vivre convenablement et sans inquiétude. Pourvu que nous nous en tirions assez bien dans le système, la détres­se des autres nous laisse indifférents.

Réformons nos mœurs, nos mœurs bar­bares, nos mœurs de sans-cœur, nos mœurs qui nous permettent de voir les plus puis­sants piétiner le peuple sans un mot de pro­testation de notre part. Aujourd'hui, alors que les problèmes de toutes sortes s'accumu­lent sur sa tête, le peuple canadien nous parle. Le peuple canadien a besoin de nous. Il nous dit ceci :

"Moi le peuple canadien, par mon travail acharné, j'avais développé ce beau pays et, malgré tous les obstacles, j'avais réussi à atteindre un niveau de production qui me permettait de vivre dans l'aisance. Il en était ainsi de la plupart des pays. Mais des gens malhon­nêtes étaient devenus extrêmement ri­ches et puissants et voyaient d'un mau­vais œil que le peuple ait une part des richesses qu'ils voulaient garder pour eux seuls. Avec la complicité des gou­vernements, ils firent disparaître l'ar­gent de la circulation et je fus dans l'impossibilité de jouir des biens que j'avais moi-même produits. Ce fut la crise de 1929 à 1939. Un grand pape éleva la voix pour dénoncer l'injustice qui permettait ainsi tant de misères au milieu de l'abondance. Mais vous, gens distingués, êtes demeurés muets.

"Puis il y eut la guerre. Je me ran­geai aux côtés de l'Angleterre contre les Allemands. Par mon travail et au prix de grands sacrifices, j'ai fabriqué des armes, j'ai équipé et entraîné une armée, j'ai sacrifié mes jeunes gens, mes sujets les plus productifs et j'ai réussi, avec les autres pays alliés, à gagner la guerre.

"Mais maintenant le gouvernement me dit ceci :

    • "Cette guerre que tu as gagnée a coûté bien cher."

    • "Bien oui, je le sais, elle m'a coû­té des sacrifices énormes."

    • "Mais elle a aussi coûté beaucoup d'argent. Et maintenant tu dois rem­bourser cet argent."

    • "Comment, l'argent qui permettait de faire les échanges, n'est-ce pas toi, le gouvernement, qui la fournissait ?"

    • "Oui, mais j'ai dû l'emprunter. Ce n'est pas moi qui fait l'argent. Je l'ai emprunté et je dois te taxer pour le rem­bourser."

    • "Comment, ce n'est pas toi qui fait l'argent ? Qui le fait alors ?"

    • "Ça, je ne peux pas te le dire. C'est un secret."

    • "Secret de polichinelle ! Au lieu de faire l'argent comme c'est ton droit et ton devoir, tu as donné une charte à de faux-monnayeurs et tu empruntes cette fausse-monnaie que ta charte reconnaît comme monnaie véritable."

"Et voilà ! Après avoir payé la victoi­re, de mes efforts et de mes sacrifices, je dois maintenant la payer de nouveau à ceux qui n'ont rien fait, à ceux qui, pen­dant que moi, peuple canadien, me privais, me rationnais et sacrifiais la vie de mes jeunes gens, eux se prélassaient sans même lever le petit doigt pour aider l'effort de guerre. Au contraire, devant le spectacle de la grande tuerie, ils se frottaient les mains et achetaient la complicité des politiciens pour forger des chaînes de dettes pour me tenir esclave comme récompense de mes ef­forts. Et vous, mon élite, gens distin­gués, avez laissé faire sans protester. Bien mieux, pour taire votre conscience, vous avez cherché à tourner en ridicule toute protestation contre cette injustice. C'est pourquoi, moi le peuple canadien, je vous trouve grandement fautifs et je vous dis : Changez de conduite. Réfor­mez vos mœurs."

La réforme des mœurs est urgente. Oui, gens distingués, réformez vos mœurs, vous messieurs, vous mesdames qui n'osez pas vous exposer à la lumière de la vérité pour dénoncer l'injustice mais préférez vous terrer comme des taupes et miner le sol de la foi et de la civilisation.

Léopold Soucy

C.P. 193, St-Léonard, N.B.

EOL 1M0

Tél. : (506) 423-6694

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