Lorsque des personnes, des familles sont dans le besoin et se sentent incapables d’améliorer leur situation, elles se tournent comme naturellement vers le gouvernement. Pourquoi? Parce qu’elles ont conscience de leur faiblesse, de leur impuissance, et ne voient d’espoir que dans une aide du gouvernement. Elles savent le gouvernement beaucoup plus puissant qu’elles.
C’est évidemment le devoir du gouvernement de soutenir les faibles. Mais lorsque ces faibles ont reçu du secours du gouvernement pour leurs besoins immédiats, ils ne sont pas pour cela plus puissants qu’auparavant. Ils restent avec leur faiblesse. Ils ont été soulagés, oui, mais non pas fortifiés. Leur sort demeure essentiellement le même. Ils auront encore besoin du même secours.
Et quand ceux-là sont nombreux, qui doivent se débattre pour rester quand même en dessous d’un niveau de vie convenable au siècle où ils vivent et au pays qu’ils habitent, le mécontentement naît et s’étend. Les oreilles alors sont ouvertes aux politiciens qui préconisent un changement de gouvernement.
L’expérience aurait pourtant déjà dû faire comprendre qu’un changement de gouvernement, en soi, ne change rien — sauf peut-être le sort de quelques favoris amélioré au détriment du sort de quelques autres.
Ce n’est pas un changement de gouvernement qui donnera plus de puissance aux faibles. Ce n’est pas le fait de mettre le pouvoir entre certaines mains plutôt qu’en certaines autres, qui donnera du pouvoir aux personnes et aux familles.
Ce qu’il faut, c’est prendre le pouvoir là où il est concentré, là où il est excessif, et le répartir entre les membres de la société.
Le pouvoir est, excessif dans les gouvernements modernes. Il l’est de plus en plus. C’est d’ailleurs un vice qui naît de la possession même du pouvoir sur les autres. Plus les gouvernements ont de pouvoir, plus ils veulent en avoir, même s’ils se gardent bien de le proclamer.
Il y a d’ailleurs des voix pour dire tout haut: «Il faut un gouvernement fort.» C’est la voix de tous les dictateurs de tous les siècles, du nôtre y compris. Et c’est aussi la voix des sots qui s’imaginent qu’un gouvernement fort va faire un peuple fort. (Nous parlons ici du pouvoir, de la puissance, non pas de l’autorité.)
Quand le pouvoir est concentré dans un lieu, ce qui est concentré dans ce lieu ne se trouve pas ailleurs. Si vous mettez tout le pouvoir entre les mains du gouvernement, il n’en reste plus pour les personnes, pour les familles, ni pour les corps intermédiaires. Vous avez alors l’État-moloch, la dictature politique absolue.
Aujourd’hui, la centralisation se manifeste partout. On la constate dans le système financier. On la constate dans l’industrie. On la constate dans la politique.
Le Crédit Social, qui est essentiellement la conception d’un ordre favorisant l’épanouissement de la personne, cherche cet ordre, non pas dans l’accession à un pouvoir (politique ou économique) qui domine les personnes, mais dans une augmentation du pouvoir chez les personnes elles-mêmes. D’un pouvoir individuel qui permette à la personne d’exercer librement son initiative et d’assumer ses responsabilités dans la poursuite de ses propres fins légitimes.
Contrairement, donc, aux accusations de fascisme, lancées contre le Crédit Social par des ignorants ou des mal intentionnés, le Crédit Social authentique est l’idéologie la plus démocratique de toutes celles qui aujourd’hui cherchent l’adhésion des esprits. Le Crédit Social conçoit la démocratie comme une limitation des pouvoirs du gouvernement et un accroissement du pouvoir des individus.
Cette description de la démocratie ne devrait rencontrer aucune contradiction. Est-ce que la démocratie n’est pas présentée comme le contraire de la dictature? Or, la dictature ne consiste-t-elle pas dans le pouvoir absolu exercé par un chef ou par un parti sur toute la population, ne laissant aucun choix aux individus? C’est donc bien en diminuant le pouvoir des gouvernements, pour augmenter le pouvoir des personnes, que l’on brise la tendance à la dictature et que l’on fait progresser vers une démocratie authentique (demos, peuple; kratos, puissance), vers la puissance du peuple. Le peuple n’est pas une abstraction, il est composé de personnes; c’est la puissance des personnes qui fait la puissance du peuple.
Ceux qui font consister le Crédit Social uniquement dans la distribution de l’abondance à tous n’ont qu’une idée restreinte du Crédit Social véritable.
Dans une étable, les animaux peuvent être, tous et chacun, très bien nourris par leur maître. Ils ne sont pas pour cela en démocratie, mais en dictature. C’est le maître qui décide tout pour eux, qui décide lui-même de leur emploi, de leur nourriture, de leur logement. Cela pourrait être une image du socialisme d’Etat, du totalitarisme, mais nullement du Crédit Social.
Le Crédit Social, il est vrai, envisage un mode de répartition de la richesse qui n’oublie personne, mais il n’en reste pas là. Cette répartition n’est d’ailleurs pas soumise aux décisions du gouvernement, mais statutairement établie et mathématiquement rythmée à l’état même de la richesse. Puis, répétons-le, c’est l’épanouissement de la personne, l’exercice par l’individu de son initiative et de sa responsabilité personnelles, qui fait l’objet de la philosophie créditiste.
La garantie à tous et à chacun d’une part des biens matériels n’entre dans l’enseignement créditiste que comme un moyen en vue d’une fin: un moyen de supprimer pour la personne des entraves indues à sa propre ascension. Mais cette ascension exige bien autre chose, qui devra venir de la personne elle-même. Et si le système économique, même en distribuant bien la richesse, ne laissait pas en même temps la personne en mesure d’exercer son initiative et d’assumer des responsabilités, le système resterait très imparfait.
Dans Mater et Magistra, Jean XXIII, tout en répétant les enseignements de ses prédécesseurs sur les droits de tous à l’usage des biens terrestres, insiste aussi comme ses prédécesseurs sur l’ouverture à l’exercice de l’initiative personnelle. Il écrit:
«Si les structures, le fonctionnement, les ambiances d’un système économique sont de nature à compromettre la dignité humaine de ceux qui s’y emploient, d’émousser systématiquement leur sens des responsabilités, de faire obstacle à l’expression de leur initiative personnelle, pareil système économique est injuste, même si, par hypothèse, les richesses qu’il produit atteignent un niveau élevé et sont réparties suivant les règles de la justice et de l’équité.»
Il faut donc tenir compte, en économique, non seulement de la répartition de la richesse, mais des facilités offertes à l’exercice de l’initiative et de la responsabilité personnelles. Car c’est de personnes humaines qu’il s’agit, et non pas d’animaux à entretenir.
Il en va de même en politique, où la personne humaine doit être considérée dans toute sa dignité, et ne pas être traitée comme un simple instrument à utiliser par des gouvernements ou par des partis. Et le Crédit Social authentique a ce souci de la personne.
C’est pourquoi ceux qui considèrent les personnes surtout en fonction de leur vote, à peu près uniquement comme des instruments pour faire un parti accéder au pouvoir, sont loin d’être des créditistes, même s’ils se parent de ce qualificatif.
C’est pourquoi aussi un groupe, une association, un mouvement, qui ne cultiverait pas chez ses membres l’exercice des initiatives et des responsabilités personnelles, mettant l’accent sur le groupe plus que sur les personnes qui le composent, serait simplement une forme de collectivisme. Il ne pourrait en aucune manière prétendre orienter vers un ordre véritablement démocratique. Si un tel groupement osait porter l’étiquette de Crédit Social, ce serait une monstrueuse profanation du terme.
C’est pourquoi, aussi, l’école de Vers Demain, qui fait profession de Crédit Social authentique, s’efforce de développer chez ceux qu’elle forme la responsabilité personnelle, l’initiative individuelle. Initiative de chacun, bien qu’ordonnée par chacun vers un idéal commun, pour le bénéfice non seulement des membres du mouvement, mais de tous les citoyens. C’est pourquoi, encore, les membres actifs de ce mouvement cherchent la récompense de leur travail, non pas dans de l’avoir matériel, mais dans un accroissement de leur être, dans un enrichissement de leur personnalité. En même temps aussi, parce qu’ils sont chrétiens, ils placent leur satisfaction dans le fait de suivre le précepte du Maître, en s’efforçant de faire du bien au prochain.
Pour revenir à la conception créditiste de la démocratie, vue dans une diminution du pouvoir des gouvernements et la redistribution de ce pouvoir aux individus, citons en terminant le passage suivant d’un ouvrage du Dr. Monahan, intitulé: An Introduction to Social Credit (Introduction au Crédit Social). Le docteur Bryan Monahan, qui réside en Australie, est le chairman actuel (1962) du Secrétariat du Crédit Social, organisme institué par Douglas pour préserver la pureté de la doctrine du Crédit Social.
Monahan écrit, pages 104 et 105 du livre mentionné (traduction):
«Les gouvernements aujourd’hui sont presque infiniment mauvais. En tout cas, ils ont des attaches avec le mal infini: ils sont voleurs, menteurs, hypocrites. Ils sont corrompus par le pouvoir. Et le remède à cette corruption, c’est de leur ôter de ce pouvoir pour le redistribuer aux personnes. Déconcentrer le pouvoir.
«Le seul exercice sain du pouvoir, c’est celui que l’individu exerce sur lui-même. Le pouvoir ayant son siège chez l’individu permet l’initiative personnelle. L’action essentiellement créditiste a justement trait à l’initiative personnelle. Lorsque cette initiative personnelle est exercée de concert avec d’autres, pour la poursuite d’une stratégie sur laquelle on s’entend, la somme de ces pouvoirs individuels s’augmente de leur association: l’increment of association, l’accroissement par l’association, tant mis en lumière par Douglas.
«C’est pourquoi il existe un Mouvement du Crédit Social, s’accordant sur une stratégie unifiée dans la poursuite d’un objectif commun, pour le bénéfice authentique de tous.
«Il n’y a aucun espoir à placer dans un changement de gouvernement. Un nouveau gouvernement hérite du pouvoir excessif de son prédécesseur; et, selon la remarque de Lord Acton confirmée par l’histoire, ce pouvoir corrompt le nouveau gouvernement tout comme les précédents.
«Ce qui est essentiel, c’est un changement dans la répartition du pouvoir entre le gouvernement et les citoyens. On ne peut évidemment pas attendre d’un gouvernement qu’il prenne l’initiative d’un tel changement, d’une diminution de son pouvoir pour augmenter le pouvoir des citoyens. C’est donc aux citoyens eux-mêmes qu’il incombe de prendre cette initiative.
«Nous n’avons pas encore la démocratie; nous ne pouvons l’obtenir qu’en étant démocratiques — en limitant le gouvernement. La réforme à cette fin doit commencer chez les individus comme tels. Tout individu qui fait l’effort nécessaire pour comprendre vraiment le Crédit Social rend le Crédit Social plus proche. Répandre la notion exacte d’une démocratie authentique, c’est rendre progressivement impossible la continuation de la tendance au totalitarisme, et amener une situation qui fera naître du système lui-même les mécanismes pour le réformer.
«Mais il y a le facteur temps, dont l’adversaire essaie de tirer profit. Ceux qui visent à la domination mondiale voudraient rendre leur position imprenable, comme en Russie (avant 1989). Pour le moment, ils comptent sur une confusion soigneusement entretenue dans l’opinion publique; et dès que cette opinion publique s’éveille un peu à la situation réelle, ils s’empressent de canaliser son action vers des voies sans danger pour leur pouvoir.»
Cette dernière phrase nous paraît s’appliquer parfaitement aux futiles recherches d’améliorations dans des renversements de gouvernements, que ce soit par des partis anciens ou en poussant des partis nouveaux, ce qui ne réussit en définitive qu’à leurrer la population tant qu’elle borne là son action.
Louis Even
Change l'auto au lieu de changer de chauffeur
Les banques fabriquent les dettes,
les gouvernements signent les dettes
C'est le système bancaire international qui, même en un siècle de progrès et d'abondance, tient tous les peuples dans les dettes, les taxes, l'inflation, le chômage, la misère. Et tous les partis politiques gardent le même système bancaire, la même vieille automobile qui nous conduit. Changer de chauffeur, changer de parti politique au pouvoir ne sert qu'à amuser le peuple et à consolider la dictature du système bancaire.
Il serait temps que le peuple comprenne qu'il faut changer d'auto au lieu de changer de chauffeur; que par ses pressions plutôt que par des élections, il agisse sur ses gouvernements pour les décider à mettre de côté la vielle bagnole du système bancaire qui a trop duré. Dehors la vieille bagnole, c'est un système bancaire conforme au progrès que nous voulons. Gouvernements, cessez de signer des dettes sur notre dos et de nous les faire payer 10 fois en intérêt.