"Si le clergé se mettait de la partie, ça marcherait vite dans la province de Québec," nous disait dimanche dernier un de nos amis en parlant du mouvement créditiste.
Nous fîmes la mise au point :
"Dans l'ordre des activités temporelles, sociales et politiques, il est normal que l'initiative vienne d'en bas, je veux dire des laïques agissant à leurs risques et périls," (Maritain).
Le clergé n'a pas à tenir les leviers de commande de l'action temporelle et politique. Son action est purement d'ordre moral et spirituel, du moins lorsque le clergé agit comme clergé. Les clercs, comme tous les citoyens, comme tous les membres de la cité temporelle, ont certainement le droit de s'occuper de la chose politique, mais alors ils le font comme simples citoyens — citoyens éclairés si l'on veut, mais simples citoyens tout de même.
Si l'Église s'est occupée de la conduite de l'État à certaines époques de l'histoire, c'est par condescendance, parce que les hommes sortant de la barbarie n'avaient pas suffisamment conscience de l'organisation sociale et politique. Dès que l'éducation fut suffisamment faite, elle se retira de ce domaine et ne tient pas y retourner.
L'Église est gardienne des principes immuables. Mais pour appliquer ces principes dans le concret, il faut des techniques d'ordre temporel. Dans toute technique, il y a un caractère de contingence, de risque, d'incertitude. Ce n'est qu'après leur application qu'on peut juger en définitive de leur valeur.
On comprend que l'Église, toute de vérité, ne se liera jamais à des aventures politiques ou économiques, si bien basées semblent-elles. C'est dans ce sens que la déclaration épiscopale qu'on connaît pouvait parler du "caractère incertain" du Crédit Social.
Ce caractère incertain est le partage de tout ce qui est méthode pour mettre en application même les principes les plus certains, et quiconque pèse le sens philosophique des mots ne peut certainement pas s'offusquer de cette remarque au sujet du Crédit Social.
Mais, si ce n'est pas à l'Église qu'il appartient de conduire la cité temporelle dans le domaine temporel, les laïques qui s'en occupent doivent s'efforcer d'apporter dans leurs activités politiques la sève chrétienne qu'ils ont reçue. Ils ne s'occupent pas de la chose publique comme chrétiens, ils s'en occupent comme citoyens, mais, ils le font en chrétiens.
Qu'on fasse bien la distinction. Nous disons souvent que c'est aux catholiques à se mettre de l'avant, qu'ils sont les mieux qualifiés pour faire de l'action politique. Mais c'est tout de même de l'action politique, non de l'action catholique, qu'ils feront.
Nous désirons que les catholiques prennent leur place dans l'action politique pour y injecter leur philosophie. Comme les principes catholiques ne peuvent pas ne pas être conformes au bien humain, les non-catholiques reconnaîtront forcément la sagesse politique qui marquera l'action des catholiques. Ils ne diront pas que c'est bon parce que c'est inspiré de catholicisme, mais que c'est bon parce que c'est parfaitement humain.
Et c'est ainsi que, doucement, en bons citoyens, mais en citoyens plus éclairés que les autres, nos catholiques devraient être les chefs de file dans la plus humaniste des politiques.
"Mais, dit encore Maritain, ce serait brouiller le spirituel et le temporel que d'imaginer que la doctrine commune de l'Église suffit à elle seule à résoudre les conflits de l'histoire temporelle et à apporter les solutions temporelles concrètement déterminées dont les hommes ont besoin. Sous ce ciel doctrinal, une philosophie sociale et politique, et des élaborations pratiques sont nécessaires. Et il en va de même dans le domaine de l'action." (L'Humanisme Intégral.)
Il ne suffit donc pas aux catholiques, pour faire de la bonne politique, de connaître leur catéchisme et de pratiquer leur religion. Ils doivent aussi étudier les questions politiques, économiques et sociales.
C'est pour cela que nous recommandons à nos lecteurs l'étude d'ouvrages comme L'Humanisme Politique de saint Thomas, par le Père Lachance. Pour cela aussi que nous voulons former dans la masse, dans la masse ouvrière et paysanne elle-même, une élite qui se renseigne et renseigne les autres. C'est la raison d'être de l'I. A, P. (Institut d'Action Politique) qui réitère son appel dans chaque numéro de Vers Demain.
Un prêtre de Québec nous écrit :
Je viens de terminer la lecture de votre article sur l'organisation d'un super-état judéo-maçonnique. Il vous intéressera peut-être de savoir que votre thèse sur la centralisation à outrance rencontre Aristote. Il prétend que l'unité politique, pour être viable, ne doit pas compter plus que 100,000 individus. La citation est dans le livre du Père Ducatillon : Le vrai et le faux patriotisme... Tout marche à l'envers.
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"Heureux l'homme qui a l'intelligence du pauvre et de l'indigence, au jour mauvais, le Seigneur le sauvera." (Graduel de la Sainte-Trinité)