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L'ordre social temporel chrétien - Personne humaine et ordre social temporel

Père Thomas M. Landry, o.p. le vendredi, 01 mars 1940. Dans L'ordre social temporel chrétien

Nous sommes en mesure de dire désormais ce qu’est l’ordre social selon les enseignements de l’Église. Il suppose des personnes humaines naturellement sociables, groupées en fonction d’un même bien commun, marchant sous la direction d’une autorité qui les conduit par la loi. L’ordre social, dans la cité terrestre, exige de plus qu’il y ait un ensemble d’institutions sociales, qu’on ait établi un régime humain de vie économique et qu’un ordre politique bien défini ait été lui-même instauré.

Il importe de remarquer que chacun de ces éléments est absolument nécessaire à la constitution d’un ordre social terrestre. Si l’un d’eux manque, la vie sociale se trouve mal organisée et ne peut plus assurer à l’homme le parfait épanouissement de sa personnalité. Ne supprimons donc aucun de ces facteurs, dans nos préoccupations de portée sociale, ne les confondons pas non plus ; sachons les distinguer pour les unir ensuite en laissant à chacun son rôle propre et en les coordonnant tous de manière à réaliser ce qui en est la fin : le bien commun temporel.

Il s’agit donc ici d’un ordre social “temporel”, et non de l’ordre social “spirituel”. Cette précision mérite d’être remarquée avec le plus grand soin.

“Le Christianisme, a écrit M. D. Lallement, en entrant dans le monde, a fait deux choses :

1. Il a constitué définitivement un ordre social spirituel, unissant dans l’Église les hommes avec Dieu.

2. Partout où l’Église a pénétré, elle a commencé à changer la face des choses et à imprégner les mœurs publiques non seulement de vertus inconnues jusqu’alors, mais encore d’une civilisation nouvelle (Léon XIII). L’ordre social chrétien, ce n’est donc pas surtout une politique chrétienne et une économie chrétienne, c’est avant tout et premièrement, l’ordre social spirituel, c’est-à-dire, l’Église ; c’est ensuite et secondairement un ordre social temporel, qui comporte une politique et une économie pénétrées des principes et des vertus du christianisme.” (D. Lallement — 38-39).

Selon l’Église, l’homme ne peut donc pas mener, sur terre et dans le temps, une vie parfaitement humaine sans que soit constitué un ordre social “temporel” ou encore un ordre de culture ou de civilisation vraie.

1. La personne humaine a besoin, non seulement des biens de l’ordre spirituel chrétien, mais encore des biens de l’ordre temporel.

a) Des biens de l’ordre spirituel : l’union surnaturelle de l’homme au Dieu chrétien, Trine et Un ; les réalités surnaturelles du Christ, de sa révélation, de sa loi, de sa grâce et les institutions humano-divines qu’il a fondées pour sauver les hommes ; les sacrements chrétiens et toutes les réalités sacrées qui possèdent à des degrés divers cette efficacité, cette vertu qui sanctifie, spiritualise et confère à l’homme sa suprême perfection.

b) Des biens de l’ordre temporel : les ressources de la nature et les richesses que l’homme par son travail peut en tirer ; les biens corporels tels que la santé et la beauté physique ; puis les techniques, les arts, les sciences dont il peut meubler son esprit ; enfin et surtout toutes les vertus morales, particulières ou sociales qui seules font l’homme vraiment “cultivé”, vraiment “civilisé”. Toutes ces valeurs ressortissent désormais, à cause du caractère transcendant du spirituel chrétien, à ce qu’on appelle l’ordre du “temporel”.

N’est-il pas évident que la personne humaine a besoin des biens de cet ordre ?...

2. Or, pour qu’elle puisse se les procurer, il faut qu’elle se mette en société, et qu’elle fasse passer son action dans un “ordre social” d’activités humaines.

a) Ces biens de l’ordre temporel dépassent les énergies natives d’une personne humaine laissée seule, et constituent un ensemble, un bien connu, celui de la culture et de la civilisation. De là, pour l’homme, la nécessité d’une action concertée qui le place du même coup en société avec ses semblables.

b) Pour réaliser ce bien commun, beaucoup d’efforts devront être faits et dans bien des ordres d’activité humaine. Mais il faudra toujours que ces efforts et ces ordres d’action s’harmonisent en vue de ces biens de la culture ou de la civilisation et constituent un nouvel ordre de choses humaines qu’on appellera un “ordre social”.

3. Il importe enfin que cette société sans laquelle la personne humaine ne peut arriver à la vraie civilisation se considère elle-même et soit considérée comme une société “temporelle”, et que l’ordre social requis se regarde et soit regardé comme un ordre social “temporel”.

a) C’est dans l’Église et par l’ordre spirituel que la personne s’enrichit des biens de l’ordre spirituel.

b) C’est dans les sociétés soumises au temps et à toutes ses vicissitudes autonomes mais d’une autonomie relative, et par un ordre social créé dans le temps, affecté par tous les changements du temps, que la personne humaine arrive aux biens de la culture ou de la civilisation.

Il n’y a que le christianisme qui puisse faire résister à la tentation éternelle qu’éprouvent les personnes humaines et les sociétés terrestres de substituer le temporel au spirituel ou de subordonner celui-ci à l’autre. Lui seul peut maintenir, pour le plus grand bonheur des hommes, la primauté absolue du spirituel véritable.

Père Thomas-M. LANDRY

Père Thomas M. Landry, o.p.

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