Nous avons déjà dit que la société temporelle se compose :
- de personnes,
- de personnes humaines,
- de personnes humaines déchues par suite d’un péché de nature qu’on nomme le péché originel et par suite d’autres péchés, qui sont personnels, mais rachetées par le Christ et sauvées par sa grâce.
Or ces personnes humaines déchues et sauvées ont un besoin "naturel" d’une société spirituelle et de sociétés temporelles pour vivre et s’épanouir intégralement.
Pourquoi ces personnes doivent-elles vivre en société ? D’où vient et à quoi conduit ce que Léon XIII appelle "la naturelle sociabilité" de l’homme ?...
1. La vie en société répond d’abord à un besoin de la personne elle-même. Cet univers spirituel est si parfait qu’il a une propension naturelle au don, à la communion, à la communication des richesses qu’il possède.
- La vie personnelle de Dieu est si intense qu’elle ne peut pas ne pas être la vie "sociale" de trois personnes.
- L’ange, tel qu’on le conçoit en théologie chrétienne depuis saint Thomas, sous l’influence de Denys, fait partie d’une "hiérarchie" céleste au sein de laquelle les personnes angéliques se groupent naturellement en chœur pour "s’illuminer" et se "parler".
- La personne humaine, enfin, comme les autres personnes, "tend à surabonder dans les communications sociales, selon la loi de surabondance qui est inscrite au plus profond de l’être, de la vie, de l’intelligence et de l’amour." (Jacques Maritain).
2. La vie en société est encore nécessaire à la personne humaine en particulier, parce que ce microcosme qu’on appelle "l’homme" est en même temps un univers d’indigence et de pauvreté. Il ne peut être comblé que par l’assistance et l’appui spirituels et matériels d’autres personnes humaines.
- Les besoins physiques de l’homme rendent l’aide de ses semblables absolument nécessaire. Il ne peut être conçu, il ne peut naître, il ne peut vivre que par l’action et le concours d’autres personnes.
- Les indigences de son esprit le mettent dans la nécessité de recevoir les inappréciables bienfaits de l’enseignement et de l’éducation. Il ne peut faire œuvre de raison, de vertu ou de sainteté sans y avoir été préparé et "formé" par d’autres personnes.
Prise sous l’aspect de ses indigences, "la personne humaine demande à s’intégrer à un corps de communications sociales, sans lequel il est impossible qu’elle parvienne à sa pleine vie et à son accomplissement." (Jacques Maritain).
3. La vie en société apparaît dès lors pour l’homme, comme le prolongement et l’épanouissement normal de la vie personnelle. Le passage de l’une à l’autre se fait :
- Naturellement. La grandeur et la misère de l’homme le poussent instinctivement vers d’autres êtres, vers ses semblables pour recevoir d’eux ce dont il a besoin et pour leur donner ce qu’il possède.
- Raisonnablement, sous la direction et l’impulsion d’une raison qui fait, d’une vie personnelle, une vie consciemment sociale.
- Surnaturellement, pour la personne humaine chrétienne qui doit entrer "par la grâce et en une adhésion surnaturelle, dans le corps mystique du Christ, en société avec la Très Sainte Trinité." (Léon XIII).
4. La personne humaine, ainsi engagée dans une vie sociétaire, doit accepter en conséquence toutes les différentes sociétés qui sont nécessaires à son épanouissement intégral. Lesquelles ?...
- Pour le temporel :
- La famille
- La société civile ou politique,
- La communauté des sociétés civiles organisées en États ou groupées dans un ordre international.
- Pour le spirituel : L’Église.
Père Thomas-M Landry o.p.