Dans le numéro précédent de Vers Demain, suite à notre session d’étude et congrès annuel en septembre dernier, nous avons publié les témoignages du Père Henri Boulad et de l’abbé Sylvain Coulon. Voici maintenant celui de Mme Carole Dubuisson d’Haïti :
Bonjour à tous, c’est un plaisir d’être avec vous une nouvelle fois. C’est ma deuxième participation à la session, donc je rends grâce au Seigneur de me donner cette opportunité d’être au milieu de vous. Il m’est arrivé la même chose que le père (Coulon) qui vient de parler. Je vais essayer de dire quelque chose de différent, qui n’a pas été dit. Alors moi je voudrais commencer par le chant de réveil : « Pèlerins de saint Michel, debout pour le combat ! » Mais le combat, c’est quoi, c’est quel combat ?
Qu’est-ce qu’on combat ? Qu’est-ce qui est en face de nous ? Que nous soyons Haïtiens, Canadiens, Français, de toutes les nationalités, l’ennemi que nous avons en face, comment s’appelle-t-il ? Nous avons un seul ennemi, qui est le démon, le démon sous toutes les formes qu’il prend : système financier, la guerre, etc., bref, les différentes manifestions du démon.
C’est ce que nous avons en face. Et nous, qui sommes-nous ? Faisons-nous partie de ces gens-là que le démon utilise pour faire avancer son plan, ou est-ce que nous faisons partie du Christ qui annonce l’amour ? En face du démon, nous avons comme arme l’amour. Tout se résume ici, et même le crédit social, c’est une expression de l’amour.
Chaque petit geste, la main tendue pour aider quelqu’un à se remettre debout ; ça entre dans le crédit social, pas vrai ? Jésus disait : « Ephphata, ouvre-toi » ; ouvrons-nous les oreilles, les yeux, les mains, tout notre être. Pour faire quoi ? Pour laisser passer l’Amour !
Donc à la question qu’est-ce que moi je vais faire en Haïti qui pourrait avoir de l’effet… Très peu, mais beaucoup ! Éclairés par le message de Louis Even, éclairés par l’Évangile, éclairés par la doctrine sociale de l’Église, on peut faire beaucoup. Là où nous sommes, là où on est, là où je serai, là où je suis.
Donc moi je travaille à l’Université avec des jeunes ; en Haïti, plus de 52% de la population est jeune. Il y a de l’espoir, il y a de l’avenir.
Aujourd’hui, quand on dit Haïti, on dirait qu’on a honte, parce que c’est le pays le plus pauvre, c’est le pays le plus corrompu… Mais du plus petit, Dieu fait des merveilles. Même si on est le plus pauvre, le plus ci et ça. Le visa nous est interdit partout. On a oublié que Haïti, ce petit pays est la première république noire. Et on le fait payer jusqu’à présent (pour avoir obtenu son indépendance de la France), on a déjà payé la France des millions. Mais on le paie encore aujourd’hui. C’est un exemple à ne pas répéter, dont on ne devrait pas parler ? Mais je crois que de ce petit pays, Dieu fera des prouesses, des merveilles. La lumière jaillira encore une fois.
Dans le temps, après l’indépendance de mon pays, c’était clairement écrit noir sur blanc : quelle que soit la couleur de la personne esclave, la terre d’Haïti devient libre. Donc pour nous, il n’y a pas de question de noir, ou de jaune, ou d’Africain, non ! Haïti est la terre de la liberté.
Nous payons jusqu’à aujourd’hui ce prix, mais ça ne fait rien. Nous croyons que nous ferons encore la différence, parce que Dieu est là. C’est un peuple chéri, aimé de Dieu, malgré tout ce qu’on entend et ce qui est en train de se passer.
Maintenant, le pays est en feu. Et déjà, il y a trois gouvernements de trois pays différents – les États-Unis, le Canada et la France – qui sont en réunion, ils sont en train de décider comment ils vont entrer au pays de force, pour faire sortir le gouvernement, le président. Et la raison qu’ils donnent ? « Nous avons des ambassades là-bas. » Donc, ce sont des édifices qu’ils vont essayer de protéger, leurs édifices, quelques ressortissants. Voilà, la raison qui va les pousser à aller chercher le président. Parce que le pays est en feu, le peuple réclame la nourriture, l’éducation, la santé, donc eux, ils vont protéger leurs édifices.
Donc voilà la réalité, où nous en sommes. Donc, commençons à vivre ce crédit social : l’amour, une main tendue, un regard, un sourire. C’est ça le crédit social dans le quotidien. Donc, j’espère que chacun de nous ici présent, va pouvoir s’interroger : où est-ce que j’en suis moi-même dans cette philosophie, dans ce désir de voir un monde nouveau, un monde fraternel, un monde où tous et toutes, nous sommes vraiment frères et sœurs.
Peu importe la couleur de la peau, peu importe la richesse que nous possédons, tout cela passe. Donc c’est un appel à vraiment nous ouvrir à ce que Dieu attend de nous. Que nous soyons vraiment l’Amour incarné de Son Fils.
Carole Dubuisson