Vibrante homélie de S. E. Mgr Vincent Coulibaly, archevêque de Conakry en Guinée, à l’église Saint-Nom de Marie de Marieville, 3 septembre 2009, pendant notre semaine d’étude à Rougemont:
Éminence, Excellences, révérends pères, révérendes sœurs, chers Pèlerins de saint Michel, chers invités,
Je remercie le Seigneur qui me donne l’heureuse occasion de participer à cet important Congrès — congrès qui nous engage davantage à combattre le scandale de la pauvreté, par la connaissance, la diffusion et l’application de la Doctrine Sociale de l’Église.
Je remercie aussi Son Éminence Bernard Cardinal Agré, qui a fortement recommandé aux Pèlerins de saint Michel de m’inviter à ce congrès international. Par cette invitation, les Pèlerins de saint Michel s’ouvrent à mon cher pays, la Guinée.
Je remercie enfin les Pèlerins de saint Michel pour l’invitation, pour l’accueil, et pour les riches enseignements que je reçois pendant ce congrès sur le Crédit Social, et sur la nécessité de changement du système financier actuel. Je suis réconforté par la foi et l’engagement des Pèlerins de saint Michel au service des pauvres et dans le bénévolat.
Je pense ici à mon pays, la Guinée-Conakry, un pays très riche que des historiens ont appelé «scandale géologique, château d’eau de l’Afrique occidentale», mais un pays dont la plupart des habitants vivent dans la misère; un pays où beaucoup d’élèves n’apprennent pas à réfléchir mais apprennent par cœur leurs leçons; un pays où l’enseignement n’est pas adapté aux réalités locales; un pays où l’enseignement est plus théorique que pratique; un pays qui a des lycées où on fait de la chimie sans laboratoires; un pays où des instituts supérieurs d’élevage n’ont ni fermes ni laboratoires; on y apprend alors à soigner les animaux dans les livres ou sur un tableau noir. C’est là une des raisons qui poussent beaucoup de jeunes à quitter le pays, et cela par tous les moyens, pour aller étudier ailleurs. Et nous connaissons les conséquences d’une telle attitude — sortir et aller par tous les moyens.
En pensant ici à mon pays, surtout à ses nombreux pauvres, la liturgie d’aujourd’hui m’inspire deux choses, deux attitudes. Premièrement, la prière. «Depuis le jour où nous avons entendu parler de votre foi dans le Christ, nous ne cessons de prier pour vous», dit saint Paul aux Colossiens (1, 3-4). Le système financier actuel ne peut être changé que par la prière, comme certains démons qui ne peuvent être vaincus que par la prière, selon une des recommandations de Jésus à Ses Apôtres. Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu.
Nous sommes donc invités à la prière pour exorciser les démons qui pervertissent le cœur et l’esprit de ceux qui soutiennent le système financier actuel, et les empêchent d’être des serviteurs intrépides et désintéressés du bien commun. Nous sommes invités aussi à la prière pour l’engagement de tous et de chacun comme serviteurs du bien commun, sans attendre que les choses soient décidées d’en-haut. Nous sommes invités à la prière pour que tous, en particulier les analphabètes, les gens du secteur informel, les paysans, etc., soient respectés et écoutés partout dans tous les pays, car si tous comprennent les choses, si tous sont éclairés, si tous sont formés, ils accepteront de faire des efforts personnels. Ils doivent aussi être sûrs de profiter du fruit de leur travail et de leurs efforts.
Deuxième attitude: la persévérance dans le travail. «Après avoir enseigné les foules, Jésus dit à Simon: "Avance au large et jetez les filets pour prendre du poisson". Et Simon lui répond: "Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ton ordre, je vais jeter les filets".» (Luc 5, 4-5.) L’Institut Louis Even a aujourd’hui 70 ans de travail pour combattre le scandale de la pauvreté dans le monde, par l’enseignement et l’application de la doctrine sociale de l’Église et du Crédit Social. D’autres n’ont que quelques années, ou quelques mois. À chacun de nous, le Seigneur Jésus dit aujourd’hui: «Avance au large, et jetez les filets.» Avance au large, et ne soyez pas bloqués par l’immédiat. Avance au large, même si vous avez fourni des efforts qui n’ont pas porté les fruits escomptés, comme Pierre et ses compagnons qui ont peiné toute une nuit sans prendre aucun poisson.
Avance au large, en regardant Marie, l’Étoile de la mer. Je pense ici à cette belle exhortation de saint Bernard: «Toi donc, qui que tu sois en ce monde, ballotté par les flots, à travers bourrasques et ouragans, plutôt que marchant sur la terre ferme, si tu ne veux pas être englouti par la tempête, ne quitte pas des yeux cet astre étincelant. Que s’élèvent les vents des tentations, que surgissent les épreuves de l’adversité, regarde l’étoile, invoque Marie. En La suivant, tu es sûr de ne pas dévier; en L’implorant, de ne pas désespérer; en pensant à Elle, de ne pas te tromper. Si Elle te soutient, tu ne tomberas pas; si Elle te protège, tu n’auras pas à craindre; si Elle te conduit, tu ne connaîtras pas la fatigue; avec Son aide, tu parviendras au but.»
Que la Vierge Marie nous accompagne donc pendant ce congrès, et que Dieu tout-puissant nous bénisse, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen.
Mgr Vincent Coulibaly, Archevêques et prêtres célèbrent la Messe à l’église de Marieville, le 3 septembre 2009 |
Le samedi du temps ordinaire, où il n’y a pas de mémoire obligatoire, comme aujourd’hui, l’Église nous donne la possibilité de faire mémoire de la Vierge Marie. Cette tradition nous invite à renouer la foi et l’espérance de Marie le samedi saint. Être invités à faire mémoire de Marie, c’est être invités à se mettre à son école, pour connaître et annoncer Jésus-Christ au monde. Se mettre à l’école de Marie, c’est contempler Marie, modèle d’espérance au pied de la Croix de Jésus. C’est redécouvrir avec Elle Jésus, le Fils de Dieu, qu’Elle a porté, qu’Elle a écouté, qu’Elle a accompagné jusqu’à la Croix.
Se mettre à l’école de Marie, c’est apprendre de Marie la compassion: il s’agit de se sentir mal quand l’autre ne se porte pas bien; il s’agit d’être solidaire avec celui qui souffre; il s’agit de faire en sorte que les hommes et les femmes passent de conditions de vie moins humaines à des conditions de vie plus humaines. Nous lisons cela dans Evangelii Nuntiandi (de Paul VI), aux numéros 25 à 30. Cela parce que nos cultures répandues dans nos cœurs, par l’Esprit-Saint, doivent devenir action en faveur des hommes et des femmes, en faveur des pauvres principalement. Autrement dit, nous devons devenir les bras et les mains de Jésus pour caresser, consoler aujourd’hui, tout homme, spécialement les pauvres. Notre charité doit être toujours visible et agissante; elle doit atteindre tous les hommes et toutes les femmes, surtout les pauvres. C’est à l’école de Marie que nous pourrons poursuivre la mission de Jésus dans l’annonce de l’Évangile, la libération de l’homme de toute entrave et servitude, et nous redonner la dignité de fils…
«Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile», écrit saint Paul. Poursuivre la mission de Jésus aujourd’hui, c’est vivre soi-même l’Évangile, pour être témoins par toute notre vie. Comme le disait encore le Pape Paul VI dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, au numéro 41:
«L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins. Saint Pierre l’exprimait bien, lorsqu’il évoquait le spectacle d’une vie pure et respectueuse, "gagnant sans paroles même ceux qui refusent de croire à la Parole" (cf. 1 P 3, 1). C’est donc par sa conduite, par sa vie, que l’Église évangélisera tout d’abord le monde, c’est-à-dire par son témoignage vécu de fidélité au Seigneur Jésus, de pauvreté et détachement, de liberté face aux pouvoirs de ce monde, en un mot, de sainteté.»
Tel est pour moi le témoignage éloquent et lumineux des Pèlerins de saint Michel, que je suis en train de découvrir en cette année de grâce 2009: des pèlerins qui avancent chaque jour avec courage en risquant leur vie, car ils sont comme le petit David qui va combattre le colosse Goliath. Des pèlerins qui sont prêts à mourir pour libérer le pauvre et le mettre debout. Des pèlerins qui sont décidés chaque jour à poursuivre le combat, jusqu’au moment où Dieu les débarrassera de leur corps de chair pour les revêtir de sa gloire éternelle. ...
Cette découverte des Pèlerins de saint Michel me pousse à reprendre à mon compte certaines paroles du vénéré Louis Even: «Le bon Dieu s’occupe de nous, quand l’heure est venue pour Lui d’intervenir. Eh bien, dans notre pays et dans tous les pays du monde, on sait qu’il y a aujourd’hui des gens qui souffrent, on dirait que c’est l’heure du bon Dieu, qu’Il a mis sur notre chemin le Crédit Social.»
Pour ma part, tous les jours de ma vie, je bénirai le bon Dieu d’avoir mis cela sur ma route. Je me rappellerai toujours ces journées riches et conviviales de septembre 2009 à Rougemont, et je m’investirai davantage dans mon pays au service de la doctrine sociale de l’Église et du Crédit Social. Que la Vierge nous accompagne sur ce chemin de la libération de l’homme, qu’Elle soutienne nos efforts de tous les jours pour la gloire de Dieu et le salut de l’homme, aujourd’hui et pour les siècles des siècles. Amen.
+ S.E. Mgr Vincent Coulibaly