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Sacrifices - sacrifices

Louis Even le vendredi, 01 décembre 1939. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Dès le soir de l'élection, on s'en souvient, l'honorable Adélard Godbout nous annonçait avec onction que la population de la province de Québec serait appelée à faire des sacrifices.

Dimanche dernier, les deux députés du comté de Portneuf, le fédéral et le provincial, répétaient les mêmes paroles aimables à la population de Neuville.

Quels sacrifices ?

Quels sacrifices ? Sacrifices d'emploi, sacrifices de revenus, sacrifices d'argent, évidemment, puisqu'on a perdu la coutume du glaive et du bûcher pour adopter celle des taxes et du chômage.

Moins de fonctionnaires, diminution de services sociaux à moins que les employés qui restent se dépensent comme des esclaves pour accomplir la tâche de ceux qu'on va enrôler parmi les chômeurs. Moins de travaux publics et plus de secours directs : le chômeur misère davantage, mais il coûte moins cher que le travailleur.

Nous comprenons que la dette publique a grimpé ; mais est-ce parce qu'on emploie la main-d'œuvre et les matériaux utilisables, ou parce qu'on est sous un régime qui ne permet pas de développer le pays sans l'endetter ?

Que faut-il sacrifier ? Des services, des constructions, des améliorations.

Qui faut-il sacrifier ? Des hommes, des travailleurs, leurs dépendants. Des bras, des cerveaux, des carrières, des idéaux, des joies saines, des visions, des enthousiasmes.

À quels dieux ?

À qui faut-il sacrifier ? À ceux qui tiennent la comptabilité de chiffres qui, inscrits dans une colonne, mettent l'argent au monde et, inscrits dans une autre colonne, mettent l'argent dans la tombe.

Qui exige des sacrifices ? Ceux qui "contrôlant l'argent et le crédit, sont devenus les maîtres de nos vies et règlent notre respiration". Ceux qui, "par la dispensation de l'argent et du crédit à leur gré, distribuent ou refusent le sang de la vie économique".

Qui nous transmet l'ordre de sacrifier à ces maîtres implacables dont l'argent remplace la religion et la patrie ? Nos gérants, notre gouvernement, nos représentants, ceux que nous payons pour nous servir et nous défendre.

Le loup égorge les brebis dans la nuit, en l'absence du berger. Les moutons ne se plaignent pas et le berger se lamente sur leur sort. Nous, moutons perfectionnés, avons l'avantage d'avoir des bergers qui nous égorgent eux-mêmes, en nous exhortant à la vertu, et nous jettent aux loups qui n'ont même pas la peine de sortir de leurs cavernes.

Louis EVEN

Louis Even

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