Le Mouvement de Vers Demain fait face à des défis pour l'avenir auxquels nous devons nous attaquer dès maintenant. En mai dernier, les directeurs et principaux membres actifs de Vers Demain se sont réunis pour réfléchir aux moyens utilisés par Vers Demain pour transmettre le message de ses fondateurs, Louis Even et Gilberte Côté-Mercier, examiner quel est ce message, s'il doit être adapté pour aujourd'hui, et enfin, trouver les moyens les plus adaptés et efficaces pour que ce message soit bien compris par les générations actuelles, et que l'œuvre de Vers Demain puisse continuer d'exister malgré les différents obstacles.
Quel est le message qu'ont voulu transmettre les fondateurs de Vers Demain ? Ou, autrement dit, quel est le but de Vers Demain, pourquoi ce journal a-t-il été fondé en 1939 ?
Tout d'abord, les objectifs de Vers Demain sont clairement affichés à chaque numéro, en page 2. au-dessus du sommaire : « Journal de patriotes catholiques, pour le règne des Cœurs de Jésus et de Marie, dans les âmes, les familles et les pays. » Et ensuite : « Pour la réforme monétaire de la Démocratie économique, en accord avec la doctrine sociale de l'Église, par l'action vigilante des pères de famille, et non par les partis politiques ».
Il s'agit donc d'une réforme économique, de Crédit Social, mais pas seulement, il y a aussi un aspect religieux. Parce que pour obtenir un monde meilleur, il faut parler des deux aspects, et ne négliger ni l'un, ni l'autre (voir le document du Vatican sur la dignité humaine dans le numéro précédent de Vers Demain).
Et, en mentionnant les mots « crédit social », vous voyez tout de suite un ajustement que Vers Demain a dû faire en chemin : ces deux mots sont maintenant associés au système de contrôle chinois, alors pour être bien compris, il faut utiliser un autre nom, ce qui est aussi dans la ligne de Louis Even, parler pour être compris, vulgariser les sujets difficiles pour les mettre à la portée de tous. Et c'est certain que la société actuelle n'est plus la même que celle de la fondation de Vers Demain, alors, comme nous le verrons, d'autres ajustements sont nécessaires.
Dans Vers Demain du 1er novembre 1960, M. Even avait écrit un article intitulé « Le champ d'action de Vers Demain », qui explique comment le nom de « Vers Demain » fut choisi :
« Lorsque fut lancé ce journal, en 1939, les fondateurs durent lui choisir un nom. C'est à dessein qu'ils éliminèrent le vocable "Crédit Social". Non pas dans le but de camoufler leur intention de continuer à promouvoir la doctrine de Douglas, mais :
« 1. Parce qu'il existait un parti politique portant ce nom, et le mouvement envisagé par les fondateurs devait suivre une toute autre voie ; il fallait donc éviter une appellation qui, dans l'esprit des gens, associerait notre mouvement à l'idée d'un parti politique.
« 2. Parce que trop d'adhérents du Crédit Social ne voyaient dans l'enseignement de Douglas que les propositions énoncées pour une réforme du système monétaire et financier. Or, les fondateurs de Vers Demain voulaient un champ plus vaste et toucher à tout ce que, au cours des années et des événements, ils jugeraient de nature à affecter la poursuite du bien commun et l'épanouissement de la personne humaine. En quoi, après tout, ils ne faisaient que rejoindre davantage la philosophie sur laquelle repose la doctrine créditiste bien comprise. »
On sait que Douglas lui-même n'a pas hésité à dire que le Crédit Social pouvait se résumer en deux mots : christianisme appliqué. Ceux qui ont lu la première des dix leçons sur la Démocratie économique doivent se souvenir de ce que disait Geoffrey Dobbs, un des premiers disciples de Douglas, qui déclarait que le Crédit Social n'était pas seulement une réforme monétaire, mais signifiait aussi la confiance qu'on puisse vivre ensemble en société :
« Le mot "crédit" est synonyme de foi, ou confiance ; ainsi, nous pouvons dire que le crédit est la foi ou confiance qui lie ensemble les membres d'une société — la confiance ou croyance mutuelle dans chaque autre membre de la société, sans laquelle c'est la peur, et non la confiance, qui cimente cette société... »
Le pape Benoît XV avait dit en 1920 que c'est sur le terrain économique que le salut des âmes est en danger. En fait, que c'est Lucifer lui-même qui a saboté le système d'argent pour en faire un instrument de contrôle et entraîner la perte des âmes. Vous avez lu (du moins, je l'espère, sinon, lisez-le au plus tôt) le texte d'Eric Butler dans le numéro de mai-juin-juillet 2024 de Vers Demain, intitulé « Le crédit social et le Royaume de Dieu », dans lequel il écrit : « L'avenir même du christianisme authentique dépend maintenant du Crédit social et des révélations de Douglas. »
C'est l'écrivain français Honoré de Balzac qui disait : « La bataille finale de la chrétienté se fera autour du problème de l'argent, et tant que ce problème ne sera pas résolu, il ne pourra y avoir d'application universelle du christianisme. » Le pape saint Paul VI écrivait, dans son encyclique Populorum progressio sur le développement des peuples : « Plus que quiconque, celui qui est animé d'une vraie charité est ingénieux à découvrir les causes de la misère, à trouver les moyens de la combattre, à la vaincre résolument. »
C'est précisément cela le combat de Vers Demain. Ce combat pour corriger le système d'argent est vital pour l'avenir de l'humanité, et il n'y a que Vers Demain qui fait ce combat. Ceux qui l'ont compris savent que c'est la vocation la plus importante et la plus urgente de l'heure. C'est l'industriel Henry Ford qui déclarait : « La jeunesse qui pourra résoudre la question monétaire fera plus pour le monde que toutes les armées de l'histoire. »
Dans l'article 5 des statuts des Pèlerins de saint Michel, leurs objectifs sont listés en cinq points :
1. La promotion d'un monde meilleur, d'une société plus juste et plus chrétienne.
2 La diffusion et l'application de l'Évangile.
3. L'enseignement de la Doctrine Sociale de l'Église Catholique romaine et des moyens de l'appliquer.
4. La formation d'apôtres par la prière, l'étude et l'action afin de combattre le scandale de la pauvreté dans le monde pour une juste distribution des richesses de la terre.
5. La sanctification de ses membres.
Les mots crédit social ou démocratie économique n'y sont pas mentionnés explicitement, mais nous savons tous qu'il ne peut y avoir de monde meilleur sans l'application du crédit social.
Voilà qui est donc clair pour les objectifs de Vers Demain. Parlons maintenant des moyens d'atteindre ces objectifs. M. Even croyait à l'éducation du peuple. Bien des gens ont faussement cru que la façon la plus rapide d'obtenir le Crédit Social, c'était de former un parti politique portant ce nom. Loin de faire avancer la cause du vrai Crédit Social, la création de ces « partis du Crédit Social », l'a plutôt retardé, ne faisant que semer la division et fermer les esprits à une vraie compréhension des idées de Douglas.
Pour obtenir l'application du Crédit Social, point n'est besoin d'envoyer des députés d'un parti en particulier au parlement : Douglas et Louis Even expliquent que la vraie démocratie, c'est que les élus, peu importe leur parti, expriment la volonté du peuple, et qu'ils ne peuvent faire face à la dictature financière sans un peuple renseigné, sans l'appui du peuple. Donc ce qu'il faut, c'est l'éducation du peuple. Ce qui fait la force des financiers, c'est l'ignorance du peuple. Durant les sessions d'étude, M. Marcel Lefebvre aimait à citer ces paroles du prophète Osée (4, 6) : « Mon peuple se meurt par manque de connaissance. »
L'aide de Dieu est absolument nécessaire dans ce combat pour la iustice. Car lorsque Vers Demain s'attaque à la Haute Finance, il ne s'attaque pas simplement à des forces humaines, mais à des forces diaboliques. M. Even écrivait en 1973 :
« Dans un engagement contre la dictature financière, on n'a pas seulement affaire à des puissances terrestres. Tout comme la dictature communiste, tout comme la puissante organisation de la franc-maçonnerie, la dictature financière est sous les ordres de Satan. Les simples armes humaines n'en viendront pas à bout. Il y faut les armes choisies et recommandées par la Vierge Marie, Celle qui vainc toutes les hérésies, Celle qui doit écraser définitivement la tête de Satan, Celle qui a déclaré Elle-même à Fatima que son Cœur Immaculé triomphera finalement. Et ces armes, ce sont la consécration à son Cœur Immaculé marquée par le port de son Scapulaire, le Rosaire et la pénitence. »
La Sainte Vierge a dit à Fatima en 1917 qu'il y a plusieurs personnes qui vont en enfer parce qu'il n'y a personne pour se sacrifier pour elles. Avec la Croisade du Rosaire de porte à porte, on prie le chapelet et on se sacrifie pour ces âmes-là. M. Even continue :
« Les Pèlerins de saint Michel sont persuadés qu'en embrassant le programme de Marie, chaque acte qu'ils posent, chaque Ave qu'ils adressent à la Reine du monde, chaque sacrifice qu'ils offrent, contribuent non seulement à leur sanctification personnelle, mais aussi à l'avènement d'un ordre social plus sain, plus humain, plus chrétien, comme le Crédit Social. Dans un tel programme reçu de Marie, tout compte et rien n'est perdu. »
Ce qui a fait la force de Vers Demain, pourquoi il existe depuis plus de 80 ans, c'est le don de soi. Le fait que Vers Demain existe depuis 1939 sans annonce publicitaire est déjà remarquable – pratiquement aucun journal ne peut subsister sans annonces payées – mais ce qui fait sa véritable force, c'est que des gens se dévouent dans ce mouvement, qu'ils acceptent d'être des apôtres, des pèlerins qui vont porter de maison en maison le message de Vers Demain. Mais il faut se poser la question aujourd'hui, qui est encore prêt au don de soi, à se donner bénévolement ? Faut-il payer pour avoir des apôtres, des pèlerins ?
Regardons maintenant la situation de Vers Demain en 2024, ce qui nous amènera à nous poser des questions pour assurer la survie du Mouvement.
M. Even avait choisi de fonder un journal, Vers Demain, pour faire connaître le Crédit Social, disant que c'était comme un professeur qui entrait régulièrement dans les foyers. Car le Crédit Social se comprend par l'étude, par la lecture, il n'y a pas d'autre manière miracle ou plus rapide. À ce sujet, doit-on multiplier nos efforts pour faire plus de sessions, de cercles d'étude sur le Crédit Social ?
On sait que les gens lisent moins, surtout les jeunes, qui fréquentent plutôt les réseaux sociaux et l'internet. Comment rejoindre ces jeunes ? Faut-il faire un effort spécial pour les rejoindre là où ils sont ?
Pourquoi l'abonnement à Vers Demain diminue-t-il ? Premièrement, il y a moins d'apôtres, de pèlerins qui font la visite des familles. Et on sait que les gens — les Canadiens français en particulier — sont de moins en moins pratiquants. Faut-il abandonner notre message religieux, ou l'adapter, pour rejoindre ces gens ? De plus, bien des gens ont une certaine image — faussée — des Bérets Blancs. Que faire pour améliorer cette image ?
Vers Demain a un très beau message à porter, plus actuel que jamais (et pas seulement pour les pays pauvres d'Afrique ou d'Amérique latine, mais aussi pour des pays plus riches comme le Canada, où le système économique peut s'écrouler à tout moment). Mais il faut du monde pour le propager. Le défi le plus urgent pour notre Mouvement est bien sûr celui de la relève : qu'on le veuille ou non, nous vieillissons tous d'un an à chaque année, et personne d'entre nous n'est immortel (l'âme si, mais pas le corps). Donc si personne ne vient pour nous remplacer, c'est mathématique, le nombre des membres (plein-temps permanents à Rougemont et apôtres locaux) diminue, et tombera à zéro ou presque si rien n'est fait pour changer la tendance.
L'idée de Louis Even et de Gilberte Côté, c'était que les jeunes viennent donner des années de leur vie, deux, trois, cinq ou dix ans, et que ceux qui désirent se marier le fassent par la suite, tout en demeurant amis de Vers Demain. Il devait donc y avoir naturellement un certain roulement dans le personnel des plein-temps, qui seraient remplacés au fur et à mesure des années par des plus jeunes. Mais les jeunes ne viennent plus.
On pourrait chercher bien des raisons pour expliquer cela. Que faire pour attirer les jeunes ? On pourrait répliquer que c'est la même situation partout, dans les églises, dans les mouvements, que les jeunes y sont absents, mais sans relève, le Mouvement de Vers Demain est appelé à disparaître.
Mais il ne faut pas perdre espoir. Comme le disait saint Ignace de Loyola, faisons notre part comme si tout dépendait de nous, mais mettons notre confiance en Dieu comme si tout dépendait de Lui. Soyons audacieux et demandons à l'Esprit-Saint de savoir ce qui doit être changé ou adapté, sans changer la base du message, le charisme de Louis Even. Semons le message de Vers Demain, et c'est Dieu Lui-même qui changera les cœurs et les esprits.