De ce temps-ci, paraît-il, la propagande nazie insiste sur la situation favorable que donnerait au communisme une victoire de la Russie sur l'Allemagne.
Que la propagande nazie exploite ou n'exploite pas le fait en sa faveur, le fait demeure tout de même ; et le Dr. Louis-Philippe Roy, dans sa chronique quotidienne, pas du tout pro-allemande, bien au contraire, peut écrire (L'Action Catholique du 20 février) :
"À moins d'être aveugle, on ne peut nier les dangers d'une expansion communiste dans le monde, à la faveur de la victoire que la Russie remportera contre le Reich et à laquelle les Alliés sont associés".
À moins d'être aveugle, assure le chroniqueur. Il ajoute, pour rester dans la note coutumière, ou pour rasséréner ses lecteurs :
"Mais, quand le nazisme sera vaincu, les Alliés garderont la liberté qu'ils possèdent aujourd'hui de combattre la propagande de la IIIe Internationale".
À Dieu plaise que ce fût aussi facile que cela ! À Dieu plaise que la liberté de combattre la propagande communiste suffise pour empêcher une Russie triomphante par les armes de continuer par les armes le programme que ses chefs se sont tracé et ont maintes fois déclaré ouvertement.
On n'oublie pas, pensons-nous, que le cher Joseph Staline est le président de la Ligue des Sans-Dieu pour l'univers et qu'il ne considérera son œuvre ou l'œuvre du bolchévisme russe, terminée que lorsque toute religion sera devenue un simple souvenir dans l'histoire. Ce sont ses propres termes.
D'ailleurs, a-t-on déjà oublié la technique du communisme ? La revue des efforts des "tragiques étapes de la sanglante équipée", publiée par J.-M. Musy dans L'Effort (en Suisse), et reproduite par Le Devoir de Montréal, est un rappel opportun pour ceux qui ont la mémoire courte.
À peine installé en Russie, en 1917, le bolchévisme se traça pour programme de conquérir toute l'Europe et procéda d'abord par la terreur. Lénine déclarait solennellement que, "même si cela devait coûter 30 millions de vies humaines, le monde paierait encore bon marché le bonheur du paradis communiste".
L'armée rouge a toujours été considérée par Staline lui-même, comme l'armée de la révolution mondiale, et elle se préparait en conséquence. Les Allemands en savent quelque chose aujourd'hui : eux-mêmes sont surpris de la force de cette armée de la révolution mondiale.
La Finlande, une partie de l'Allemagne, Munich, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie furent tour à tour ensanglantées par les efforts du communisme pour conquérir l'Europe par les armes.
Ce n'est que devant la digue victorieusement dressée par la Pologne de Pilsudski, avec l'aide du général français Weygand, que le communisme dut changer de méthode.
Surtout après le triomphe du fascisme italien et du national-socialisme allemand sur le communisme qui débordait vers l'ouest, les bolchévistes jugèrent plus convenable de remplacer la violence par la ruse et de gagner les foules par l'astuce.
C'était d'ailleurs dans l'ordre des modes d'action prévus par Lénine :
"Dans un déguisement complet, nous saurons nous allier aux puissances occidentales et soutenir leurs fins égoïstes. Nous passerons des accords et conclurons des alliances avec elles... Notre but final reste inébranlablement la domination du monde".
Le communisme sut se muer en défenseur de la démocratie et des libertés des peuples. On eut le régime des "fronts populaires" ; on sait où cela a mené la France.
Mais dès que les communistes trouvent le moyen de pousser la force brutale pour avancer plus vite, ils y recourent sans hésitation. Exemple : l'Espagne, avec ses 16,000 prêtres et ses 170,000 sujets mis à mort par les communistes, sans compter le gros million de vies humaines que coûta la libération de ce pays par Franco.
A-t-on déjà oublié cela ?
Croit-on qu'une Russie devenue plus puissante que la plus puissante des nations militaires d'aujourd'hui hésiterait à recourir aux armes pour atteindre le but qu'elle poursuit depuis vingt-cinq ans ? Croit-on qu'elle reculerait devant l'immolation d'autres millions de vies humaines, vies russes, allemandes, françaises ou autres ? En face d'une Europe épuisée, hésiterait-elle à lancer les hordes de son armée rouge que nous aurons contribué à équiper d'engins modernes de destruction ?
La guerre actuelle est-elle réellement la fin des guerres entre nations, ou ne doit-elle être que le commencement de la grande terreur rouge déferlant sur toute l'Europe ?
On s'est réjoui, partout dans le camp des alliés, de l'alignement de la Russie à nos côtés ou du moins contre le même ennemi que celui des alliés. Mais cette association nouvelle n'est certainement pas une bénédiction sans mélange, et bien des points d'interrogation se posent.
Ceux qui prient font bien. Ceux qui expient font bien. Si la miséricorde divine n'intervient pas, que ne peut-on prévoir ?
Que la Russie s'entende avec l'Allemagne, ou que la Russie écrase l'Allemagne, qu'arrivera-t-il ? Comme le remarque un observateur et commentateur anglais de longue expérience, M. Arthur Brenton, la Russie peut accepter un armistice avec l'Allemagne, et qu'est-ce que cela signifiera pour les nations occidentales ? Ou la Russie peut triompher de l'Allemagne et faire de l'Allemagne son arsenal, comme l'Allemagne a fait son arsenal de la France vaincue, et qu'est-ce que cette autre alternative signifiera encore pour les nations occidentales ?
L'opposition à la propagande de la IIIe Internationale, opposition à laquelle le rédacteur de L'Action Catholique accroche son espoir, est certainement à recommander, à presser même, et autrement qu'en prêchant le sacrifice et la vertu aux victimes de l'exploitation ploutocrate. Mais devant des canons et des chars d'assaut, l'opposition à la propagande serait de peu d'effet. Il est probablement plus juste de s'arrêter sur la première phrase citée :
"À moins d'être aveugle, on ne peut nier les dangers d'une expansion communiste dans le monde, à la faveur de la victoire que la Russie remportera contre le Reich et à laquelle les Alliés sont associés".
"Les politiciens sont comme un abcès. Vous ne pouvez gratter un politicien sans qu'il en sorte du pus." — (Social Crediter)