Nous avons déjà traité le sujet. Il reste à l'ordre du jour. Les centralisateurs ne démordent pas.
Donnons encore quelques détails aux lecteurs de Vers Demain.
C'est aux États-Unis qu'est le foyer du mouvement en Amérique, le groupe canadien n'en est qu'une succursale. Nous puisons les renseignements qui suivent surtout dans la lettre hebdomadaire Men First, de Gorham Munson, animateur du Crédit Social chez nos voisins.
Le mouvement en faveur du fusionnement des démocraties de langue anglaise — pour commencer — s'appelle Union Now. Traduisons, si vous le voulez, par L'union tout de suite. Si le terme n'est pas au goût de M. Jean-Charles Harvey, grand enthousiaste du mouvement, il peut nous en suggérer un autre.
Aux États-Unis, le mouvement est conduit par Clarence Kirshman Streit. M. W. J. Schieffelin est président du chapitre de New-York. Si ces noms sont difficiles à retenir, ceux du groupe canadien ont moins de "sh". L'organisateur est en Colombie, Elmore Philpott ; le président est l'éminent directeur du Jour de Montréal, M. Jean-Charles Harvey.
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Que propose le mouvement Union Now ? Il propose l'union immédiate des pays suivants : Angleterre, Irlande, Union Sud-Africaine, Canada, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Australie.
Ces nations se déclareraient mutuellement dépendantes les unes des autres et établiraient tout de suite un gouvernement central provisoire, sous forme d'un parlement composé de 50 membres, ainsi répartis :
États-Unis, 27 ; Angleterre, 11 ; Canada, 3 : Australie, 3 ; Irlande ; 2 ; Union sud-africaine, 2 ; Nouvelle-Zélande, 2.
Ce gouvernement provisoire aurait seul le pouvoir de déclarer la guerre ou de signer la paix au nom des sept démocraties. Il s'engagerait à convoquer aussitôt que possible une convention fédérale des sept démocraties pour élaborer une constitution. D'après cette constitution, les États individuels céderaient au central toute prérogative de législation en matière de citoyenneté, de douanes, de communications, de défense militaire et de finance.
On ferait des arrangements pour permettre à la France, à la Belgique. à la Hollande, à la Suisse, au Danemark, à la Norvège, à la Suède et à la Finlande de joindre l'union dès que les circonstances rendraient la chose possible.
On aurait ainsi le noyau d'une Union Fédérale Universelle.
Donc, le Canada aurait 3 voix sur 50 pour représenter ses intérêts dans l'Union. Si la province de Québec recevait sa quote-part ordinaire dans les associations avec ses voisines, elle pourrait espérer un sixième de représentant. Mais M. Harvey ayant des chances d'être élu comme Canadien tout court, ça sauverait nos droits auxquels il saura bien consacrer un sixième de son attention !
On ne dit pas quelle serait la langue officielle. La question ne se pose pas tant qu'il s'agit des sept démocraties nommées. Puis cela n'a pas d'importance, puisque les États ainsi unis garderont le droit de discuter individuellement tous leurs problèmes intérieurs, sauf ceux de l'armée, de la grande police centrale et de la FINANCE.
Avec une finance centrale, loin de vous, bien gardée par des mitrailleuses et une aviation à la page, vous pourrez demander des réformes d'ordre financier dans la langue qui vous plaira !
D'ailleurs, les angles s'arrondiront. Le central légiférant seul sur la citoyenneté — donc sur l'immigration — les fils d'Israël et tous ceux qui sont habitués à promener leur patrie dans leur portefeuille extirperont de la grande Union les mauvaises herbes "nationaleuses", comme dirait le Jour.
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Évidemment cette concoction est tout à fait au goût de la finance internationale. Les souverainetés séparées sont toujours un obstacle sur le chemin de l'hégémonie financière. Voyez si la maudite petite province d'Alberta lui en donne des insomnies !
La fondation de la Banque Internationale de Bâle et d'une vingtaine de banques centrales pour dominer et lier en un faisceau les multiples banques des divers pays — voilà qui est dans l'ordre pour la finance internationale.
Les propositions du rapport Sirois, pour centraliser les pouvoirs d'emprunts, pour monopoliser le crédit, voilà qui était dans l'ordre.
La résistance de trois provinces, voilà qui n'est plus dans l'ordre.
Aussi les journaux et les périodiques bien dressés en ont-ils fait entendre des lamentations. Nous venons justement de lire un article de quatre pages signé par Grattan O'Leary dans Liberty du 15 mars. On dirait le Dies Irae du Canada.
Aux États-Unis, on a donné une vaste circulation à un essai écrit par Henry R. Luce, intitulé The American Century. Il recommande justement les propositions Union Now de Clarence Streit comme très inspiratrices. Qui est ce M. Luce ? C'est l'éditeur de trois revues américaines très répandues : Time, Fortune et Life.
La finance est derrière Union Now.
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Notre position est connue. Nous sommes pour la décentralisation. La décentralisation politique, non seulement par le maintien des autonomies provinciales dans la confédération canadienne, mais aussi par le développement d'autonomies corporatives dans la province. La décentralisation financière par la naissance de l'argent sous forme de dividende à chaque homme, femme et enfant du pays.
C'est aussi la position de tous les créditistes, à commencer par le major Douglas.
Nous sommes évidemment pour la coopération entre les différentes nations pour la poursuite d'intérêts communs : association volontaire de peuples libres. Libres, donc d'abord financièrement indépendants. Qu'on commence par là, au lieu de vouloir souder les esclaves sous la direction d'une finance centrale.